BLOG du vigneron

dans les vignes du château de Sauvage pour le POINT primeur édition 2015
Vincent Dubourg château de Sauvage Graves

Vigne et canicules

Les étés chauds préparent de beaux millésimes, spécialement à Bordeaux où le climat océanique a jusqu’à récemment pu apporter trop d’eau en fin d’été. Il est pourtant difficile de se réjouir quand les températures pendant des cycles de presque une semaine parfois répétés à intervalle bi-mensuel dépassent les 35 degrés pour atteindre désormais sans surprise plus de 40. A ces niveaux de chaleur et de rayonnement, en dépit d’une disponibilité d’eau libre pour les plantes profondément enracinées et bien connectées aux réseaux fongiques sous-terrains, les cellules superficielles des feuilles et des fruits soufrent. Il peut en résulter brûlures, dessèchements et au mieux arrêt fonctionnel de la photosynthèse et donc de la progression harmonieuse du cycle végétatif annuel. 

La vigne, plante pérenne est malgré tout mieux adaptée que bien des cultures annuelles à ces amplitudes extrêmes. Elle préservera généralement sa capacité à renouveler une pousse l’année suivante avec des bourgeons fertiles. Néanmoins, on commence à observer que placée dans un environnement trop hostile plusieurs années consécutives comme cela fut le cas dans certains secteurs des Pyrénées orientales, les plants peinent à produire des fruits de taille convenable et assurent tout juste leur survie. De surcroît, l’environnement forestier également desséché devient sensible aux incendies et un cercle pernicieux se met en place où les feux détruisent ce qui contribuait peu ou prou à climatiser l’air ambiant et à faire tomber la pluie (cf l’homme qui plantait des arbres de Giono ) . La vigne ultime rempart de la propagation des flammes en subit toutefois les outrages et il devient difficile alors à l’homme de poursuivre la viticulture pour des raisons économiques (brûlures, goût de fumée) . 

Voilà que je décris peut-être de manière trop sombre ce qui n’est encore vécu que par une minorité de parcelles à l’échelle nationale. Je vais donc me limiter à rendre compte de l'évolution depuis 21 ans dans mon vignoble si petit désormais avec ses 6 hectares que j’en connais chacun des rangs et des infimes particularités. 

Dans les années 80-90 mon prédécesseur travaillait les sols de mars à octobre, il devait ouvrir l’espace central des fonds (espace entre deux rangs) à l’aide d’un coutre après les vendanges pour permettre à l’eau de s’évacuer et d’éviter ainsi des asphyxies et des pourrissements. Des veines d’argile grise par endroit maintenaient des excès d’eau à faible profondeur et cette pratique d’ouverture d’un sillon central avait fait ses preuves. En arrivant en 2004, n’ayant pas connu tout l’historique hivernal des décennies précédentes, je me suis abstenu de mettre en place cette pratique et je n’ai eu de soucis que rarement et uniquement les premières années. Il m’est arrivé de « planter «  le tracteur dans un rang sans doute par excès de travail du sol sur une terre saturée d’eau en surface.  L’évolution de mes pratiques limitant progressivement le travail du sol pour arriver à le supprimer totalement en 2019 ainsi que l’élévation des températures hivernales ont peu à peu rebattu les cartes. Les secteurs régulièrement inondés en bout de rang durant un ou deux mois l’hiver ne présentent plus que rarement quelques flaques tenaces. Cela témoigne à la fois de la nécessité de s’adapter à la nouvelle donne météorologique mais aussi du fait que le trop plein d’eau n’est plus un soucis. En laissant la terre couverte en permanence, il ne s’agit plus de chercher à évacuer l’eau au plus vite vers les fossés mais au contraire de chercher à infiltrer le plus d’eau possible dans le sous-sol via la porosité structurelle et via  les racines, les galeries de vers et de petites mammifères. En dépit de cela le régime des pluies tend à augmenter au printemps mais les températures élevées dès le mois de mai en restituent l’essentiel dans l’atmosphère générant au passage de terribles épidémies de mildiou. Cette nouvelle donne impose de nouvelles pratiques. Jusqu’à présent, il reste possible de cultiver la vigne en Gironde mais avec une irrégularité des rendements qui sur le temps long ne peuvent que baisser. L’évaporation accrue causée par l’élévation de la température annuelle conduit à limiter l’eau disponible. Les épisodes caniculaires aggravent ce phénomène mais ils ne sont que l’expression caricaturale d’une réalité désormais chronique. Les sols peu à peu s’assèchent plus profondément et plus précocement. 2024 fut dans ce cadre là une année atypique qui permettra sans doute à 2025 de tirer son épingle du jeu comme 2021 permit à 2022 de sortir un peu de jus de grappes rôties tout l’été avec plusieurs jours à 42 degrés. 

Ces millésimes chauds et peu productifs restent des bénédictions après des années de gels de printemps ou de ravages par le mildiou mais je ne peux pas ne pas envisager qu’à une année de chaleur extrême succède une autre tout aussi excessive et alors les réserves en eau ne suffiront peut-être plus pour remplir convenablement les raisins et les adaptations culturales n’y suffiront plus. 

L’agroforesterie par la présence d’arbres au plus près des vignes est censée apporter ombre et ressources hydriques aux parcelles mais mise en place trop tard les plants nécessitent de nombreux arrosages pour arriver à devenir autonomes. Le travail à accomplir est donc titanesque, il va demander persévérance et même obstination sans garantir in fine que cela suffise. 

Des articles scientifiques glosent sur la remontée de la culture de la vigne plus au nord, ce qui ne peut en effet qu’arriver. Il reste à prouver que la disparition de la vigne au sud n’est pas inéluctable et qu’une adaptation est encore possible. Les meilleures terres à vigne ne sont de toute façon bonnes que pour des cultures pérennes ; l’arbre peut sauver la vigne, encore faut-il vite trouver quels essences sont les mieux indiquées. Rien n’est encore compromis, on se plaît à y croire, la chance et les bons choix ne seront jamais en surnombre pour faire face au nouveau climat.



 

Le territoire viticole une notion à explorer sous l'angle du partage.

 

 

A la lecture d' « Habiter en oiseau » de Vinciane Despret,( 2023, collection Babel, édition Acte sud) qui questionne la notion de territoire en ornithologie avec le recul d'une réflexion philosophique, je me suis demandé à qui appartenait vraiment un territoire viticole, comment et par qui il est habité et si nos titres de propriétés ne nous illusionnaient pas trop sur notre réelle emprise sur cet environnement.

 

L'autrice à partir de travaux scientifiques d'ornithologues du 20ème siècle cherche à définir la façon qu'ont les oiseaux d'occuper un espace ; Les généralisations sont quasi impossibles et bien des aspects de la territorialité des oiseaux semble varier selon de nombreux critères selon les périodes de l'année et selon des règles qui semblent varier d'une espèce à l'autre. Il en ressort en substance que les oiseaux ne sont en revanche jamais par hasard quelque part, qu'ils sont conscients des limites de territoire, dont les frontières constituent des zones de socialisation, qu'ils ont souvent besoin d'être nombreux pour survivre individuellement et que leur chant est un mode d'occupation et de revendcation de l'espace. En outre, ce qu'ils considèrent comme leur territoire est aussi le territoire d'autres espèces dont les humains font partie. Et cela en sommes nous conscients en tant qu'agriculteur ?

 

 

Si je considère maintenant la vigne comme un ensemble cohérent formant un territoire géré par un groupe d'humains, quelques questions me viennent à l'esprit.

 

La vigne résume t'elle le terroir viticole, n'en serait-elle pas plutôt une métonymie ?

 

Est-ce qu'un vignoble est un territoire strictement délimité assurant des fonctions claires pour ses habitants ou bien n'est-il qu'un élément d'un paysage plus large issu de l'assemblage non concerté de modes de faire-valoirs différents (prés, bois, bourgades, cultures) ? La vigne est-elle le territoire pensé par et pour le vigneron ou bien l'aire partagée la majorité du temps par de multiples espèces et que ne s'approprie qu'épisodiquement son propriétaire légal ?

 

 

Etat des lieux :

 

 

Essayons de penser la chose avec ma petite surface de 9 ha dont 5 en vigne , éclatée sur 4 secteurs, cf photo. La zone la plus importante est celle adossée au chai qui est lui même au bord d'une route départementale assez fréquentée matin et soir pour les trajets domicile travail vers Bordeaux. Du chai, un ensemble de petites parcelles de 20 à 50 ares chacune entourées d'allées enherbées est enserré dans un milieu forestier constitué de bois de feuillus divers à proximité et plus loin de grandes parcelles de pins cultivés. La vigne n'est elle même que vaguement majoritaire dans son milieu puisque des prés issus d'arrachages et des haies arbustives en cours d'installation s'insèrent entre les parcelles . Au sein même des parcelles de vigne, le sol non travaillé établit une cohabitation entre la plante pérenne en culture et les vivaces, les graminées fauchées à des stades précis. Les autres îlots sont plus ou moins enclavés dans la forêt qui fait toujours partie de l'environnement proche .

 

 

Inventaire sommaire et non exhaustif :

 

 

Pensons maintenant le partage de l'espace par espèces. Bien des animaux ne sont pas visibles mais pourtant présents en permanence. Toute la faune souterraine dès lors que l'on ne laboure plus, ne griffe plus ou extrêmement rarement et sur une aire réduite peut s'épanouir en dépit de la contrainte locale et linéaire de la bande de roulement du tracteur qui tasse fortement en surface. Cette faune migre peu et fait donc partie des usagers de l'espace du vignoble, pouvant trouver refuge peut-être en forêt à certains moments de l'année ; ce sont les taupes, les petits rongeurs, les lombrics, de nombreux arthropodes, tous les micro-organismes du sol.

 

A l'air libre, les populations sont plus discrètes, la cohabitation moins évidente avec l'homme et ses outils ce qui conduit l'espace à être occupé alternativement ou sinon sans ostentation. Les grands mammifères comme les sangliers viennent les nuits d'hiver fouir sous l'herbe, ils ne font souvent que passer. Les chevreuils sont plus casaniers l'été et sortent des bois à la tombée de la nuit pour brouter l'herbe tendre ou gober des raisins en automne. Les lièvres et les lapins jouent à cache cache avec l'homme, ils fuient sans partir vraiment, ils évitent le contact mais restent « chez eux » enfouis dans les herbes, plus à l'aise la nuit également. Le renard et le blaireau sont discrets mais peuvent aussi se manifester ponctuellement. Durant ce temps, les oiseaux eux traversent plus qu'ils n'habitent le vignoble. Des groupes de passereaux d'espèces variant au fil des saisons (bergeronnettes,roitelets, rouges queues, rouge gorges, pinsons ...) viennent glaner les graines au sol ou ingérer des chenilles sur les vignes, les lisières sont leur refuge. Ils ne restent jamais longtemps exposés peut-être mal à l'aise sans abri dans ce grand espace encore dénué d'arbres imposants. La buse plane ,le geai passe furtivement d'un bois à l'autre. Des oiseaux solitaires et plus massifs survolent le parcellaire (huppes, coucou, pies) s'y posant rarement mis à part les tourterelles ou les pigeons. Les haies sèches, les ronciers, les trognes qui prennent de l'ampleur année après année sont là précisément pour offrir des refuges et permettre à tous les types d'oiseaux de trouver des haltes pour leur besoin de repos ou de sécurité et pour peut-être nidifier. Les haies fruitières sont aussi censées leur apporter un refuge temporaire. Il arrive de trouver des nids dans les pieds de vigne mais je m'interroge toujours sur la pertinence de ce choix pour les oiseaux car bien que suivie en mode biologique, la vigne n'en reste pas moins une plante traitée aux bouillies cupriques et au souffre mouillable. Je passe sur les migrateurs pour qui le vignoble n'est qu'un paysage lointain (grues, palombes) et semble t-il sans intérêt pour eux . Mais l'inventaire des occupants ne s'arrête pas là, la vigne, les arbres, les arbustes, les herbes et plantes annuelles abritent également en surface lézards, araignées, insectes innombrables , mollusques formant une chaîne alimentaire complétée par le règne des champignons connectant sol et plantes par les racines.

 

Dans les bois, l'inventaire est complété par des oiseaux plus discrets comme les bécasses ou les pics. Une soirée de détection au sonar avait permis de répertorier 5 ou 6 espèces (barbastrelles, pipistrelles, cérotines ) de chauves-souris dont les trajectoires passaient au dessus des vignes mais rarement au delà de 20 mètres de distance des lisières boisées. Je n'oublie pas enfin le partage des lieux qui ne sont pas clôturés avec les autres humains, qui traversent pour cheminer, qui chassent épisodiquement, qui viennent déposer leurs déchets verts à composter, qui viennent visiter les lieux à l'occasion d'un achat de vin.

 

N'étant pas zoologiste, n'accordant que peu de temps à cette activité, la présence de cette cohorte vivante reste malgré tout évidente par son importance si on veut bien lui accorder un peu de temps d'observation.

 

 

Territoires multiples :

 

 

A partir de là et la lecture de l'ouvrage de V Depret m'a aidé à y réfléchir, comment accorder à chacun sa place selon ses propres règles territoriales ? S'agit il pour l'humain d'un partage gratuit ou intéressé de l'espace, de tolérance aux autres formes vivantes, de pacte de non agression sous condition ?

 

Doit-on penser le territoire comme un aire de cohabitation ? Elle existe de fait. En être conscient ne peut qu'aider à laisser ces usages alternatifs ou concomitants se développer.

 

Ce qui donne le vertige plus que des réponses encore incertaines à toutes ces questions est plutôt l'absence de questionnement antérieur au cours des cinquante dernières années. L'application d'insecticides pour résoudre des soucis de déséquilibres faunistiques liés eux-mêmes à l'utilisation de pesticides et au travail immodéré du sol laisse bien mesurer comment la question du partage de l'espace commun était envisagé. La suppression des arbres fruitiers dans les vignes après la crise phylloxérique n'a pas non plus soulevé le débat du passage à une monoculture avec toutes ses conséquences écologiques. L'arrachage des haies non plus n'a jamais été interrogé quand l'eau ne manquait pas, que l'ombre semblait moins utile et que barrer la route aux vents froids semblait moins judicieux quand la vigne débourrait à la mi avril au lieu de fin mars actuellement.

 

L'humain, muni de son titre de propriété continue d'imposer ses choix mêmes s'ils sont inadaptés à son environnement qu'il s'approprie comme son territoire exclusif. S'il inverse un peu les rôles et accepte de le concevoir comme un lieu approprié à des usages et à des espèces entremêlées, assurant chacune dans leur strate, à leur échelle un rôle mais avec un habitat décent pour elles, c'est-à-dire non perpétuellement perturbé, alors l'humain prend conscience qu'en cédant un part de son emprise, il assure une meilleure autonomie à l'espace dont il veut tirer parti.

 

J'imagine alors le vignoble et son pourtours boisé comme une trame complexe, superposition de multiples territoires associés à des espèces, chacun marquant son empreinte par différents moyens faits d'odeurs, de sons, de traces, de tout cela combiné. Les humains sont les seuls à pouvoir imposer les plus grands bouleversements en inondant la clairière de bruits de moteurs, en coupant subitement toutes les herbes hautes, en abattant d'un coup des dizaines d'arbres, ce n'est pas pour autant qu'ils possèdent le lieux. Il y a donc une grande conscience de l'impact des actions agricoles sur les équilibres territoriaux à prendre en considération à chaque projet de mise en valeur et cela passe par la connaissance la plus aiguë possible des façons qu'ont les animaux d'habiter les lieux.

 

Par ailleurs, tout territoire a des limites visibles ou non , des frontières qui concernent tant les habitats que les cultures ou les arbres. Cela peut affecter notamment en vigne, les espaces conduits en agriculture biologique , en agro-écologie dont le voisinage avec des surfaces en mode conventionnel est forcément une zone de rupture écologique. Une parcelle plantée en pin et où intervient ce qu'on appelle une coupe rase, implique également un bouleversement qui impacte les secteurs proches. La lumière arrive au sol, l'ombre portée sur les parcelles attenantes disparaît, l'air circule différemment et peu modifier les couloirs de gel. Les territoires sont donc multiples sur une même aire donnée mais ils sont en plus perpétuellement influencés par les zones de contact alentour. Or bien souvent chacun fait ce qu'il veut chez lui sans prendre en compte ce qu'il y a autour. Nous gagnerions à gérer les espaces en concertation pour le profit de tous in fine. Cela supposerait des instances collectives et délibératives rurales à mettre en place pour mieux prendre des décisions d'aménagements pourtant strictement privées au regard du droit.

 

 

Conclusion :

 

 

Une philosophe écrit un livre sur la notion de territoire chez les oiseaux et un vigneron s'en empare pour prendre conscience que sans oublier le but ultime, la vendange annuelle, il doit pour pouvoir atteindre ce but accueillir la diversité animale et végétale, mieux la connaître et la respecter pour obtenir équilibre, survie commune, fertilité et salubrité.

 

 

 

Je mets quelques extraits du livre de Vinciane Despret pour prolonger la réflexion sur l'appropriation.

 

 

 

(citation Vinciane Despret, page 106-107 édition grand format Acte Sud« si le comportement territorial est un comportement d'appropriation, il ne l'est plus au sens le plus commun de « posséder » ou d'acquérir, mais au sens de rendre « propre » à soi.

 

 

Page 107-108 David Lapoujade écrit « posséder ne consiste pas à s'approprier un bien ou un être. L'appropriation concerne non pas la propriété mais le propre. Le verbe de l'appropriation ne doit pas s'employer à la voix pronominale, mais à la voix active : posséder ce n'est pas s'approprier mais approprier à … c'est-à-dire faire exister en propre. » ou en d'autres termes et ce sera encore plus clair, on dira de l'être qu'il approprie son existence à de nouvelles dimensions. On retrouvera une conception très proche dans le livre de la juriste sarah Vanuxem, lorsque celle-ci cherche dans l'histoire du droit français et dans l'anthropologie, les interprétations qui permettraient de rompre avec la conception de la propriété comme un pouvoir souverain sur les choses, pour penser les choses comme des milieux qu'il s'agit d'habiter « Dans les douars chleus montagneux, s'approprier un lieu consiste à le conformer à soi et à se conformer à lui ; s'approprier une terre revient à se l'attribuer comme à se rendre propre à elle. » Ce qui veut dire que l'on est territorialisé autant qu'on territorialise. )

 

 

0 commentaires

Sentinelle du climat

Je pensais décortiquer les différents ouvrages naturalistes du dernier billet un par un pour donner envie de lire et d'apprendre sur les plantes et l'agronomie mais la saison 2023 ne m'en a pas donné la possibilité.

Je vais énumérer depuis mon installation en 2004 les années difficiles qui ont conduit pour des raisons sanitaires ou climatiques (l'un étant souvent lié à l'autre) en les surlignant en rouge à de fortes baisses de production.

2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020 , 2021, 2022, 2023

 Je ne mets pas 2022 en rouge mais en rose car paradoxalement en dépit des incendies et de la sécheresse, le rendement fut faible mais supérieur aux 5 années précédentes. Ce ne fut pas ceci étant, une année dans l'ancienne norme.

En effet qu'est devenu la norme ? La norme est désormais une accumulation de déréglements de divers types, baisse des précipitations et douceur en hiver, gels printaniers, orages violents accompagnés de grèle dès le mois de mai ou juin, humidité excessive puis sécheresse estivale brutale, canicules récurrentes etc...

Les conséquences pour la vigne sont visibles et progressives. La tendance locale et régionale est une lente mais sûre baisse des rendements causés au choix par un affaiblissement des pieds, les maladies ou le petit poids des baies par manque d'eau.

 

Cette année la pire épidémie de mildiou de ma carrière a ravagé la récolte en à peine 15 jours.

 

Les pratiques vertueuses ne sont pas récompensées, l'agro-écologie, la culture biologique ne pouvaient pas lutter cette année avec les moyens légaux autorisés . Le lobby des pesticides a depuis de nombreuses années diabolisé le cuivre à Bruxelles pour relativiser la toxicité des produits chimiques de synthèse et ainsi les doses autorisées ont été progressivement diminuées pour passer à 4kg de cuivre métal en moyenne annuelle (avec un maximum de 6kg en année de forte pression). Le cuivre finit en effet par s'accumuler dans le sol et son utilisation en excés peut devenir toxique pour la vie des micro-organismes et des plantes. Néanmoins c'est plus l'historique de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle qui est en cause car à cette époque les doses pouvaient atteindre des dizaines de kilos à l'hectare. Le sol est capable de "digérer" des doses raisonnables tous les ans. Il suffit d'observer les herbes qui poussent dans les vignes bio pour s'en convaincre et je renvoie à l'article en ligne de Céline Berthier et Marc Chovelon , http://www.itab.asso.fr/downloads/viti/dossier-cuivre.pdf

L'agriculture biologique sommée de traiter plus blanc que blanc a conduit ses adeptes dans une "aporie". Si certaines années comme 2022 il était possible de n'utiliser que 1 à 2 kg de cuivre, il en aurait fallu 8 en 2023 pour espérer obtenir un résultat. Coincé par la réglementation et l'envie de bien faire, beaucoup ont cette année comme les précédentes fractionné au début de saison les traitements avec de petites doses. Cette méthode fonctionne les années difficiles même si cela est coûteux en énergie et en argent.  Mais une année de pression exceptionnelle, il aurait fallu traiter tous les 3 ou 4 jours avec des doses plus fortes que d'habitude ! Seules les propriétés en bonne santé financière et pourvues de forts moyens humains ont pu faire face.

Si vous regardez ma série de millésimes depuis 2004, vous pouvez constater qu'l y a une concentration des années à problème dans la période récente et il semble qu'une tendance se dessine qui fait de l'anormalité la normalité. En conséquence, la santé des entreprises viticoles a été lourdement affectée par ces millésimes à petit rendement et 2023 est venu révéler l'état de faiblesse des propriétés. Il aurait fallu aborder ce défi sanitaire avec des ressources financières et des outils techniques efficaces tels que la possibilité d'ajuster la dose de cuivre à l'ampleur de la menace. Le recours aux tisanes de prêle ou d'autres plantes ,outil complémentaire en année classique est totalement insuffisant pour combler le trou laissé par le sous-dosage en cuivre.

Il y a déjà des déconversions bio annoncées et je ne peux que comprendre ceux qui doivent revenir sur leurs engagements pour sauver les emplois et les structures.

Il va falloir se questonner sérieusement sur la pertinence des réglementations trop exigeantes qui conduisent in fine à décourager les plus motivés. Les limitations des plafonds de cuivre ne doivent pas être mises en regard de l'interdiction des produits CMR (cancérogène mutagène reproductifs) dans le sytème HVE (haute valeur environnementale, label conventionnel  soutenu par l'Etat).Chaque label doit progresser mais dans son couloir avec ses propres exigences éthiques et techniques. C'est le consommateur qui finira par donner la direction à suivre.  Cette compétition entre les labels a conduit à une victoire à la Pyrrhus du lobby des phytos car tout le monde est perdant en Gironde en 2023. L'agriculture conventionnelle parvient difficillement à lutter avec ses propres containtes et l'agriculture biologique arrive dans des impasses certaines années.

Le concept de label interdit à cause du contenu de son cahier des charges de pouvoir prendre les années exceptionnelles des mesures exceptionnelles.

Combien d'année blanches faudra-t-il subir pour donner un peu de souplesse et rendre un peu d'esprit d'initiative aux opérateurs ?

Veut-on ne garder que les propriétés dirigées par des mutuelles d'assurance ou des grandes fortunes ?

Va-t-on ouvrir les yeux sur le déréglement climatique avant d'avoir rayé de la carte la viticulture et l'agriculture française ?

Peut-on raisonnablement envisager un scénario à +4° quand la vie devient déjà compliquée maintenant ?

0 commentaires

la bibliographie du vigneron

Nous sommes le résultat d'une sédimentation continuelle.  Ce que nous mangeons, ce que nous expérimentons, ce que nous côtoyons, ce que nous lisons nous construit peu à peu avec l'abrasion du temps qui fait un tri salvateur nous préservant de l'hypermnésie. Je pourrais vous raconter comment certaines oeuvres littéraires ont enrichi et modifié ma pensée mais cela chacun peut le faire de son côté et c'est d'ailleurs un exercice conseillé pour tous passé le demi-siècle d'existence !

Mon idée pour les prochains billets est de montrer comment les lectures techniques peuvent avoir des conséquences immenses dans l'évoluton des pratiques agricoles.  Les rencontres lors des formations, des salons avec des spécialistes ou d'autres praticiens peuvent aussi être de vrais déclencheurs de changements voire de tremblements de terre méthodologiques.

Je n'ai pas mis ici quelques livres moins techniques mais très importants pour la culture agricole qui sont ceux de Marcel B Boucher "des vers de terre  et des hommes" chez Acte sud et la trilogie de marc André Sélosse (Jamais seul, l'origine du monde et les goûts et les couleurs du monde) chez Acte sud également. 

Il y eut la "révolution verte" dans les pays émergents dans les années 60 en Inde mais elle n'avait de vert que le nom car la chimie en était le maître mot. Aujourd'hui, alors que le consensus scientifique est clair sur l'érosion de la biodiversité, il est urgent d'agir chacun à notre place, dans les villes, dans nos petits jardins et sur nos parcelles. La viticulture doit sortir de la monoculture et le monde viticole doit réapprendre ses gammes agricoles.

C'est pour cela que comme un autodidacte, il m'a fallut reprendre tous les domaines délaissés lors de ma formation initiale. Microbiologie, fonctionnement des sols, botanique, écologie.

Bien des ouvrages sur cette photo se consultent autant qu'ils se lisent et c'est par un recours fréquent à leurs ressources que j'en ai intégré l'essentiel. Ce travail ne sera jamais terminé car il faut perpétuellement réviser ses gammes, réapprendre.

L'expérience se construit sur ce terreau fertile, subtil mélange de connaissance et de pratique, de succés et d'échecs, de temps d'observation printanière et de réflexion hivernale.

A bientôt pour la première fiche de lecture.

 

 

1 commentaires

L'esthétique végétale

Une des règles prônées par la permaculture consiste à observer pour mieux interagir avec son environnement. Observer c'est regarder longuement sans idée préconçue sinon celle de laisser son regard se porter sur un détail ou un ensemble de ce qui se trouve autour de soi. A force d'attention, consciente ou non, des intuitions peuvent surgir, des vérités se réveler mais aussi une esthétique devenir évidente. Il peut s'agir entre autre de l'esthétique végétale.

Quand je roule sur la RD1113, l'ancienne nationale Bordeaux-Toulouse, je peux distinguer furtivement des cultures, des arbres dans les jardins mais sauf à risquer l'accident tout cela est trop fugace pour laisser une forte impression. En revanche l'accumulation des signes de nos constructions industrielles est tellement concentrée au bord de la route, qu'une esthétique de la modernité s'en dégage. Les abords des villes sont parsemés de hangars métalliques, de formations parallépipédiques peintes sans nuance avec des couleurs crues et agressives. Constamment, il faut se focaliser sur la route et donc voir des véhicules, eux mêmes recouverts de peinture aux tons monotones sans aucune nuance. Beaucoup d'entre nous n'ont que rarement l'occasion de marcher sur des chemins ruraux et n'enpruntent que des routes ou des rues et sont donc constamment soumis à cette vision de la voiture ou du camion qui finit par façonner leur regard. Nombre de nos contemporains sont d'ailleurs amateurs du design, cet art de l'objet qui construit l'esthétique de notre civilisation.

Tout cela je l'oublie quand je vagabonde dans ma clairière viticole nichée entre le chai et la fôret. Dans ce cadre là, la civilisation est encore présente puisque les rangs de vigne rappellent par leur rectitude l'action de l'homme qui aime tirer des traits et faire des angles droits. Cependant l'impression qui domine est l'enchâssement de la vigne par des bois dont les cimes surplombent dans toutes les directions les bordures. Ce paysage en construction est désormais entrecoupé de rangées de frutiers aux silhouettes encore grêles, de quelques arbres épars au bord du près , de ronciers d'où émergent quelques aubépines. Des segments de haies sèches ou vives rompent la monotonie des alternances de parcelles. Certains espaces sont ouverts et simplement recouvert d'une végétation encore rase. Ce paysage est apaisant et accueille une immense variété de coloris nuancés à l'infini du vert tendre au jaune paille, du gris au brun, du brun au fauve.

Mais nous n'y sommes pas encore, l'esthétique d'un paysage abrite en son sein des briques végétales complexes constituées de feuilles, de fruits appelés drupes ou akènes, de tiges plus ou moins cespiteuses, de pédoncules plus ou moins longs, de branches plus ou moins ramifiées. Et si l'on observe de plus près les structures végétales, celles-ci sont encore plus fascinantes avec les nervures des feuilles, le grain des surfaces, la transparence des tissus, sans compter la vie animale qui parsème tout cela, des plus microscopiques individus jusqu'aux oiseaux qui volent d'un piquet à une branche, d'une lisière à l'autre.

Point n'est besoin de créer dans cadre là mais d'accompagner, de guider la vie pour notre service tout en lui laissant une grande part de liberté.  Il faut bien un peu de fil de fer, quelques clous, une gaine en plastique pour se garder des chevreuils, la civilisation moderne apporte son aide mais doit rester discrète et laisser l'esthétique végétale imposer sa complexité et sa beauté. Evidemment, un tracteur bruyant viendra rompre cette belle harmonie de temps à autre, c'est un mal nécessaire et qu'il faut savoir limiter le plus possible. Laissant l'herbe pousser dans les rangs, son usage a déjà bien diminué ces dernières années.

Toutes celles et ceux qui ont la chance de pouvoir être entourés au quotidien d'une présence végétale le savent, cela apaise, climatise, embaume, protège et nourrit. Mais bien plus encore cela façonne une esthétique imperturbable, indémodable dont l'immobilité n'est qu'apparente car quiconque fait pousser des plantes sait qu'il y a aussi une immense joie à voir surgir les structures des plantes depuis une graine ou un bourgeon, tout comme il est fabuleux de voir se développer un animal depuis l'union de deux cellules.

Le monde rural n''est pas qu'un gisement à exploiter pour fournir du bois ou du gravier, des légumes, de la viande ou des fruits, c'est aussi un cadre éminemment agréable pour le regard humain. Si le citadin éprouve régulièrement le besoin de partir à la campagne ou à la montagne, c'est bien qu'il y a cet appel qui s'impose de temps à autre pour quitter la verticalité urbaine et retrouver un étagement horizontal de strates végétales, pour voir se succéder plusieurs plans à l'horizon, pour s'asseoir dans l'herbe et voir divaguer des hannetons, voler des libéllules, sauter des cicadelles et circuler des fourmis . Rien ne sera plus confondant que le vert tendre d'une feuille juvenile, rien de plus émouvant que la fleur qui s'ouvre et s'offre aux insectes butineurs.

Il y a une ésthétique du végétal, elle est là autour de nous et si elle ne domine pas en ville, elle reste présente et accessible partout à des degrés divers. Il faut la chérir et profiter de ses bienfaits qui sont et resteront gratuits pour qui saura les apprécier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

0 commentaires

Chronique du feu en images

0 commentaires

Chronique du feu en mots

Fameuses fumerolles
Fameuses fumerolles

L'été 2022, été le plus sec que j'ai jamais vécu mis à part celui de 76 (mais j'étais en culottes courtes ) rime également avec incendie. 

Cet évènement, conjoint avec le feu de la Teste, a soumis les pompiers la population et les autorités à une épreuve démesurée par sa taille et sa longueur. 

Un pyromane semble résider pour notre malheur dans les environs de Landiras et sur la masse des nombreux départs de feu disséminés dans les parages, l'un d'entre-eux eut la carrière phantasmée par son auteur.

Le mardi 12 juillet une colonne de fumée a subitement coupé l'horizon en deux à moins de 2km du chai. Dès lors, les activités quotidiennes furent perturbées ou interrompues et l'imminence d'une évacuation m'est apparue probable quand bien même le vent souflant du nord éloignait la fumée et la progression du feu à l'opposé de notre direction. 

Malgré tout, la confiance dans l'action des pompiers et l'absence d'expérience en matière d'incendie, me firent penser que mis à part la prudence et le soucis de prévenir ses voisins rien ne devait et ne pouvait être entrepris. Cela fut contredit très vite par le cours des évènements. Le mercredi la fumée disparut puis réapparut plus loin, le soir la lumière du feu rougeoyait à l'horizon, les pompiers étaient à l'oeuvre. Le jeudi 14 juillet un départ de feu ou la progression du foyer principal à contre-vent apporta le danger aux portes du hameau de Manine. Les familles habitant en lisière et qui plus est propriétaires des parcelles de pins et de chênes en feu partirent à l'assaut des flammes en attendant les pompiers. L'intervention des soldats du feu fut un succès grâce à un contre-feu judicieusement mis en oeuvre. Passé ce moment nous ne vîmes plus de pompiers au sol durant une semaine. La Dfci (association locale de prévention des incendies en forêt) ne vint que le lundi suivant. Entre-temps et malgré les injonctions de la gendarmerie d'évacuer les lieux, la mairie soutenant finalement l'action de la population, ce furent quelques familles du hameau soutenues par un réseau de connaissances personnelles qui évitèrent les reprises de foyers. 

J'ai pris ma part à cette action de jour comme de nuit et avec des moyens de fortune comme des motopompes montées avec des cubes plastiques de 10hl fixés sur des remorques tirés par de vieux tracteurs agricoles. J'ai reconverti mon pulvérisateur en citerne à incendie mais sa faible contenance sans remplissage sur place n'était pas très rentable.

 Néanmoins cela fit l'affaire jusqu'au jour de la canicule, le lundi 18 juillet où enfin des moyens lourds furent mis à notre disposition avec le tracto-pelle de Pierre Labuzan, viticulteur, de grosses citernes de la DFCI, des citernes tampons prêtées par l'entreprise locale Sageau et une débroussailleuse de type "landaise" prêtée par le propriétaire forestier Michel Ricaud. 

Par une chaleur suffocante et éreintante où les 42 degrés s'additionnaient avec l'énergie des moteurs et l'absence d'air dans les cabines, cette journée fut déterminante pour sécuriser notre secteur, ouvrir de vrais pare-feux en bordure du brûlé et les mouiller abondamment. 

Ce travail fut ensuite complèté par des professionnels de la forêt soutenus par la dfci et enfin par les pompiers qui ayant reçu des renforts et réussi à ralentir la progression du feu au sud ont pu se libérer pour notre front encore chaud. 

Durant tout ce temps, l'appui aérien passa sur nos têtes avec des avions Dash, des canadairs activés par les reconnaissances de l'hélicoptère du pc feu. Malheureusement pour Landiras les canadairs n'intervinrent que le deuxième jour de l'incendie et cela fut sans doute une cause de son extension non maîtrisée. 

Il reste à souligner la fabuleuse réaction de la population de Landiras qui par ses dons et le temps donné a permis aux pompiers d'être accueillis dignement. Le village gaulois de Manine a quand à lui assuré sa défense grâce à la détermination de ses habitants et à la solidarité de la communauté des chasseurs. 

Maintenant la surveillance est partagée entre les pompiers et la Dfci mais les conséquences sur le territoire sont encore dures à mesurer. L'impact sur les couloirs de grêle, de gel sur la pluviométrie sont encore impossible à estimer. Pour la vigne l'inconnue réside dans l'impact des odeurs de fumée sur les raisins. Cela constitue une épée de Damoclès pour le millésime 2022. 


1 commentaires

Pour paraphraser Daudet, Il serait temps que le sous-préfet fasse des vers

Les conditions climatiques semblent contrarier de plus en plus la production de raisins. Il n'y a pas d'autre choix que de tenter quelques adaptations tant l'ampleur du bouleversement en cours semble ne jamais devoir être pris au sérieux. Il n'y a donc pas d'autre choix que de lutter dans son coin mais pas sans parler, pas sans se concerter, pas sans échanger avec toutes celles et tous ceux qui veulent encore faire pousser des plantes.

En sillonnant le nord du Portugal cet hiver, j'ai fait l'étonnante découverte de murs combinant trognes et vigne pour ceinturer des prés. Cette méthode ancestrale semble être appelée vinha do enforcado.

L'arbre contenu dans sa hauteur est émondé jusqu'à la tête, assurant à la vigne latérale la fonction de palissage vivant mais procurant également une petite ombre portée. L'ensemble arbre vigne, occupe peu d'espace puisqu'il ceinture les parcelles et doit sans doute assurer ombre et fraîcheur pour le bétail ou l'herbe qui doit pouvoir mieux supporter ainsi les excès thermiques estivaux.

Il ne s'agit pas forcément de copier ce système mais d'en tirer des enseignements. A force de ne voir que des vignes étroites recouvrir la France, on finit par croire que rien d'autre n'est possible. Il est si difficile d'inventer et si facile d'observer ! Encore faut-il s'en donner la peine et ne pas être trop entravé dans nos tentatives d'adaptation par un système de production qui attendrait que tout s'effondre pour accepter l'idée du changement.

L'agroforesterie gagne du terrain dans les esprits et gagne les esprits sur le terrain. Cela se fait au détriment des surfaces plantées mais au plus grand profit des paysages, des équilibres biologiques et de la nécessaire adaptation aux gels et sécheresses à répétition.

Bâtir de nouvelles méthodes et reconstituer là où ils avaient disparus les bocages est le défi de notre époque. Bien des régions européennes sont restées pour leur plus grand bien en dehors de l'arasement au sens propre et au sens figuré de leurs méthodes culturales issues d'un long apprentissage et d'une lente évolution.

L'introduction de l'arbre et de la haie arrive peu à peu mais dans un océan d'ignorance tant les savoir-faire se sont perdus avec une rupture de connaissance. Il faut aller chercher dans les vieux livres, interroger les érudits et des biologistes éclairés.

Le temps de voir les projets prendre forme avec ou sans subventions, modestes ou de grande envergure et les excès du climat auront entretemps amplifié leurs effets. Il y a donc une course de vitesse à opérer entre les mesures qui peuvent préserver des ilots de prospérité et d'équilibre et des évènements météorologiques exceptionnels qui pourraient les empêcher de naître et de s'épanouir.

 

On ne croit que ce que l'on voit, cela semble être une triste réalité. Moi-même quand Milan a été confiné en février 2020, je n'ai pas saisi que c'était le signe imminent d'un confinement général en Europe et j'ai continué à danser sur le volcan jusqu'au sifflet de fin de partie. Il gèle en avril avec une vigne en avance sur ses stades phénologiques (i.e les étapes du cycle végétatif ) quasiment tous les ans depuis 2017. Faudra-t-il attendre que la civilisation viticole soit en danger de mort pour que la filière prenne la mesure de ce qui doit être accompli ?

 

Il faut s'inspirer des traditions rurales  encore préservées, laisser la place à l'innovation et à l'expérimentation, impulser une énergie orientée vers une transformation rapide des pratiques. Tout doit être questionné, l'occupation des sols, les choix de cultures, des cépages, des associations d'espèces, la modification des paysages, la fabrication d'un environnement captant l'eau, limitant l'érosion et régulant les flux d'air.

 

Il serait donc temps que le sous-préfet se mette sous un arbre et fasse de beaux vers .

0 commentaires

Le chemin vers le vin doit être autant estimé que le vin lui même

Les vins s'achètent à tous les prix et chaque prix, à défaut de donner une indication claire du goût, fournit une information sur le mode d'élaboration. Un vin très bon marché ne peut pas être le fruit de beaucoup d'opérations manuelles, il est obligatoirement issus de vignes produisant à plein rendement chaque année donc avec son corollaire de dopage du sol à grand coût énergétique et de traitements généreux pour garantir les objectifs de récolte. Ainsi un vin peu cher peut-il être correct et buvable sans être désirable du point de vue sociétal. Le consommateur pourra arbitrer s'il n'a pas de grands moyens en buvant moins mais mieux comme cela peut se faire en mangeant  peu de viande mais issue d'élevages non industriels et donc plus chère.. 

A l'opposé les vins dits "iconiques" dont on peut attendre une haute qualité, sont aussi traversés par les démons de notre époque. La part des coûts de production dans le prix final est très minoritaire, l'essentiel est constitué de frais commerciaux à grands renforts de kilomètres en tous genres (commerciaux en voiture, en avion , salons professionnels, réceptions, repas de prestige, confréries etc...), publicitaires (panneaux dans les aéroports, pages dans les hebdos généralistes et la  presse spécialisée), d'investissements dans le foncier censé rendre le vin désirable par de belles photos et de belles visites stéréotypées. Le vin cher a longtemps été le réceptacle des dernières molécules hors de prix inventées par l'industrie chimique et encore exemptes de phénomènes de résistance. Les plus grands crus ont donc souvent été généreusement traités dans la mesure où le coût des produits phytosanitaires n'avait que peu d'incidence dans le prix final consommateur tandis que l'effet de protection était censé garantir les bénéfices. Ce phénomène s'atténue car la vertu écologique étant à la mode, la débauche de moyens a trouvé un nouveau réceptacle dans les labellisations multiples pour se montrer exemplaire. Pour assurer ces mutations de nombreux matériels sont achetés, des consultants de renom monnayent leurs conseils. L'idée générale reste qu'avec de l'argent on y arrive toujours et c'est entièrement vrai.

 

Oui mais ... le modèle qui pourrait se dessiner et qui semblerait plus équilibré et généralisable serait plutôt celui de la viticulture familiale qui existe encore et qui résiste malgré la pression des investisseurs institutionnels préemptant les propriétés les plus prestigieuses. Dans ce système, les générations s'entraident, les retraités tiennent encore les stands sur les salons, les jeunes effeuillent pendant leurs vacances et ceux qui sont aux manettes se débattent pour trouver des solutions chaque année. Ces domaines produisent des vins honnêtes, pas toujours les mieux notés mais faits avec de l'imagination, du courage et de l'obstination et toujours avec des prix décents. C'est le modèle des "vignerons indépendants" dont les salons ont su fidéliser une grande clientèle soucieuse de proximité et d'échange. 

 

Un autre modèle compatible avec le précédent est celui que je poursuis. Il se trouve que je  travaille seul même si j'ai été fortement soutenu par mes parents, ce qui est possible sur une petite surface de 7 ha. Mon objectif est de produire avec peu de moyens mais en observant beaucoup et en cherchant des pistes pour rendre la terre suffisamment fertile par elle même pour se passer de la majeur partie des amendements traditionnels. Cela s'appelle l'agroécologie et peut aussi s'envisager avec l'agroforesterie.

 

L'idée principale est de travailler le moins possible les sols pour retrouver des équilibres proches de ceux d'une prairie permanente et sans se laisser envahir par les ronces et les chênes non plus. Le bio aide à entamer cette démarche mais elle pourrait être envisagée aussi avec un peu de chimie. J'ai opté pour le bio depuis 2017 et ne le regrette pas même si le prix à payer en période d'apprentissage est lourd de conséquences économiques. Dans mon système, le prix ne peut pas être modique, je refuse qu'il soit prohibitif et ce même si le gel frappe durement depuis 5  ans. Le prix est aussi le reflet de ce que l'on partage la même vie que celle de ses clients. En gros, je pourrais être le client de mes vins.

 

Ainsi, l'idée que je voudrais transmettre est que la façon d'arriver au vin devrait être prise en compte par le consommateur. L'étiquette ne dira jamais tout et même le vin en lui même ne traduira pas tout le cheminement. Le vin n'a pas le goût du futur de ma vigne et pourtant quand je produis aujourd'hui, je veux qu'en germe, le vin produit dans 20 ans soit encore bon, que mes pieds de vigne soient encore vivants, que mon sol ne soit pas épuisé et stérile. Je travaille pour moi et pour mes successeurs. 

Au présent, je veux limiter mon impact énergétique sans climatisation mais avec de l'ombre, sans matériel nouveau mais en utilisant différemment le parc actuel, je veux limiter le gel et les canicules par des haies et des galeries d'arbres fruitiers, je veux arrêter les transports d'engrais venus de loin et me contenter d'apports locaux de fumiers et de la généreuse matière organique fraîche qui pousse spontanément, je veux me contenter du rendement résultant de ces équilibres en souhaitant que cela assure ma subsistance. J'y arriverai comme tant d'autres qui ont le même esprit dans les grandes cultures, l'élevage ou le maraîchage si la reconnaissance du public pour cet effort est réelle et si le chemin vers le vin est aussi estimé que le vin lui même.

 

1 commentaires

La bonne monnaie chasse la mauvaise ...

Quand de nouvelles idées ont conquis la majorité des esprits, la bascule des récalcitrants devient immédiate. Il se peut que de façon sincère ou artificielle, spontanée ou calculée, peu importe, l'ensemble de l'agriculture, même la plus ringarde, machiniste et techniciste se doive d'afficher au moins un semblant de changement de pratique. Il devient inconcevable de ne pas exhiber au moins un logo sur un emballage, prouvant que quelque chose est fait pour ne plus faire comme avant. Cela reflète la grande victoire dans les esprits de la nécessité de redonner une place aux équilibres naturels.

La place de la ville dans la nature, de l'agriculture dans la nature, de la nature dans la ville, de la forêt dans les cultures, des cultures dans les villes, tout est sujet de réflexion à défaut d'être encore suivi d'effets visibles.

Le consommateur que nous sommes tous par moment, commence à arbitrer de plus en plus en fonction des impacts environnementaux des produits acquis et non plus uniquement en fonction du prix le plus bas. La grande lessiveuse verte s'immisce bien sûr dans cette évolution et certains ont encore l'impression d'être éco-responsables en écoutant le blabla des grand groupes automobiles sur l'électrique par exemple. Une autre partie de la population ne peut tout simplement pas se poser la question par manque de moyens et consomme ce qu'elle peut trouver à sa disposition et son budget.

Il n'empêche vouloir acheter local, réparable, bio et ou agrobiologique devient le modèle recherché à défaut d'être encore accessible pour tous.

A partir de là, même les esprits les plus rétrogrades, les contempteurs des "écolos-bobos qui vivent dans leur bulles", pour arriver à continuer de vendre sont obligés de se plier aux nouveaux codes dominants. Je me souviens de la remarque cynique d'un viticulteur qui avait avoué en réunion se soucier des résidus de pesticides dans son vin à partir du moment où cela fut analysé pour l'export au Japon. Il avait du même coup suspendu des traitements tardifs d'anti-pourriture pour rentrer dans le cadre réglementaire. Peu importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse !

Une fois certains verrous psychologiques ouverts, il y a fort à parier que les plus sceptiques sur les méthodes naturelles apprécieront de retrouver du goût dans leur alimentation et de la diversité dans leur paysage.

Je rêve de voire de mon vivant les sols lunaires de certaines régions agricoles se transformer en territoires complexes, parsemés de haies et de galeries arboricoles, je rêve de voire des villes aussi vertes que grises, de revoir les petites villes s'animer et les friches commerciales abandonnées dans les  périphéries retourner à leur vocation agricole.

Le grand succès des cosmétiques naturels, des isolations naturelles, des légumes de saison n'est pas une addition de petits succès mais le résultat d'une évolution de fond de nos consciences. Le niveau des connaissances est disparate mais la volonté d'aller dans cette direction semble inexorable.

A partir de 2023, les déchets organiques devront faire l'objet d'un ramassage collectif. Ce genre de petite révolution quand elle sera mise en application fera vraisemblablement prendre conscience que la fertilité agricole est un cycle dont nous avons temporairement rompu le fonctionnement. Un jour viendra sûrement où la joie de produire en partie sa nourriture animera toute la population, car elle en aura compris les vertus, car elle en aura appris les bienfaits à l'école et que produire une part de son alimentation plutôt que de l'acheter semblera une évidence et une bénédiction dans un pays où la pluie tombe et où l'accès aux terres arables n'est pas un facteur limitant.

La bonne monnaie chasse la mauvaise disait-on au moyen-âge, les bonnes pratiques chassent les mauvaises pourra-t-on dire bientôt.

 

0 commentaires

La viticulture peut contribuer au stockage du carbone dans le sol

Si j'ai demandé au dessinateur-graphiste DERIK de concevoir une fresque sur la vie du sol pour les portes ouvertes il y a deux ans, c'était dans le but d'illustrer simplement par quel moyen l'agriculture pouvait contribuer au stockage du carbone dans le sol et donc à la limitation de l'effet de serre.

 

Un mouvement agronomique de fond éveille peu à peu le milieu agricole et secoue bien des idées reçues et rabâchées dans l'enseignement officiel. On le nomme sous différentes formes techniques telles que  permaculture ou agriculture sur sol vivant mais il est aussi porté par des influences venues d'Amérique latine avec les paysans sans terre ou via campesina. Rien dans tout cela n'est uniforme ni univoque mais un point commun anime malgré tout les acteurs de ces réseaux et il consiste en deux point : autonomie du paysan et respect de l'intégrité du sol. Le deuxième point est la condition pour obtenir le premier.

Je ne vais pas ici détailler toutes les implications de cette notion de "respect du sol" mais aller directement à sa conséquence sur le bilan carbone de la filière agricole. Je vais donc prendre mon exemple pour montrer comment très rapidement il est possible d'obtenir des résultats remarquables. Depuis le début de ma conversion à l'agriculture biologique, j'ai dû réfléchir à la meilleure façon de lutter contre l'ennemi numéro du vignoble en Gironde, le mildiou. En 2018 une très forte attaque a impacté l'ensemble du département et je n'ai pas été épargné sauf sur une partie de mes parcelles sur lesquelles j'étais très en retard sur mon programme d'entretien des sols. En clair, j'avais laissé la terre telle quelle depuis les vendanges 2017. L'herbe recouvrait donc toute la surface sous le rang et entre les rangs. Pour des raisons biologiques de compétition des champignons,, physiques de rétention de l'eau et de limitation de l'évaporation, d'enfouissement des oeufs d'hivers des années précédentes (forme de conservation du mildiou), chimiques d'amélioration de l'équilibre redox etc... la situation dans ces parcelles fut bien meilleures que dans celles intégralement travaillées où les dégâts allèrent jusqu'à 100% de la récolte. Cette observation m'a conduit à réfléchir sur les effets du non travail du sol sur les autres paramètres agronomiques et notamment le plus important d'entre eux qu'on appelle la fertilité. Bien des chercheurs renommés tels que Marcel B Bouché, Marc-André Sélosse, des praticiens de terrain tels que Konrad Schreiber, les époux Bourguignons et sûrement d'autres que je ne connais pas font l'apologie du non travail du sol pour capitaliser de l'énergie restituable aux cultures. Depuis 3 ans donc, j'ai suivi des parcelles plantées en vigne ou en friche.

Sur mes friches, je n'ai pas travaillé du tout les sols tandis que sur mes vignes, j'ai gratté  un peu sous les rangs et sous le passage des roues  durant l'été et juste avant les vendanges. Au fil des ans, le taux de matière organique sur les friches a régulièrement augmenté et dans une proportion moindre dans mes vignes. La différence s'explique dans ce cas par le maintien d'un peu de travail du sol et par l'exportation du raisin chaque année. Néanmoins la direction est donnée et les chiffres parlent. Je suis passé de taux de 1.5-2 % à 2.5-3% sur mes friches en l'espace de trois ans. Sur les vignes le gain est de l'ordre du demi-point avec parfois des augmentions plus fortes par endroit et des stagnations sur d'autres à cause de l'historique des amendements et ou travail du sol plus ou moins important dans le passé récent.

J'ai calculé que l'augmentation moyenne d'un point de matière organique sur mes sols (évaluation à 4000 T de sol par ha) pouvait contribuer à stocker environ 40 T/ha soit sur mes 7ha  280 T de carbone. Cela correspond à 1000T de CO2.

En équivalent km de voiture (je prends 0.15 kg de Co2 / km)  cela équivaut 6.5 millions de kilomètres.

Cela ne veut pas dire qu'en augmentant de 1% les taux de matière organique sur 7 ha , on peut rouler 6 millions de kilomètres sans réchauffer la planète. Il faut en effet prendre en compte l'énergie dépensée sur l'exploitation (utilisation du tracteur, de la voiture, consommation électrique liée à l'activité vinicole, consommation en eau, recours aux emballages, au transport de marchandise ...) .

Mais si l'on prend juste en considération le fait d'une part que cela est possible et sur une période de temps limitée (moins d'une décennie) tandis que le corolaire principal est de moins utiliser son tracteur, l'amélioration du bilan carbone est elle d'emblée évidente. Si l'on considère qu'il y a à peu près un employé pour 5 ha de vignes (patron, personnel administratif et vignerons inclus) , augmenter de 1 % le taux de matière organique stockerait l'équivalent du CO2 consommé au cours de 4.7 millions de kilomètres soit plus que ce qu'une personne peut rouler dans sa vie, sans doute le double ou le triple.

Tous ces chiffres très approximatifs ne constituent pas une démonstration précise mais une démonstration de la tendance et de la direction à prendre.

Il y a un levier énorme à actionner dans l'agriculture pour améliorer le bilan carbone de notre société. Cette augmentation doit contribuer en outre à rendre les paysans de moins en moins dépendants des intrants (chimiques ou naturels) et par la même amplifier le gain en carbone (stockage +baisse de consommation ).

La cerise sur le gâteau dans tout cela est l'accroissement de la vie bouillonnante dans les sols (vers, arthropodes, bactéries, champignons) , le retour des oiseaux dans nos campagnes, l'amélioration de la qualité de vie des agriculteurs et le verdissement (au sens propre) de nos campagnes.

Pourquoi s'en priver ?  Il y a encore beaucoup à dire et cela concerne plus la politique, le syndicalisme agricole, la sociologie et la psychologie collective que l'agronomie à proprement parlé.

 

 

1 commentaires

Faut arrêter de philosopher Carpentier

La série le ptit Quiquin de Bruno Dumont s'ouvre sur cette phrase du célèbre commandant Van der Weyden répliquant à une remarque littéraire hors de propos de son fidèle adjoint . Peu importe le contexte et le côté plus que décalé de la série, la citation reflète en tout cas bien la situation dans les vignobles du 15 mars jusqu'à aujourd'hui.

Du jour où la vie économique s'est figée en France et où les échanges commerciaux en Europe ont été contrariés, il n'était plus temps de philosopher mais d'agir et si possible sans se tromper car l'efficacité rapide était de mise.

Le gel, invité plus trop surprise  ces dernières années, a frappé fin mars, me permettant de tester l'efficacité des bougies de cire concentrées sur les secteurs sensibles. Là aussi de minuit à 7 heures du matin, par deux fois, il n'était plus temps de philosopher.

Le personnel des établissements spécialisés d'aide par le travail (ESAT) auquel j'ai recours, déclaré personnel à risque par les autorités, a cessé toute activité jusqu'au déconfinement.  Me retrouvant tout seul pour finir les travaux d'hiver et commencer illico ceux du printemps, il n'était plus trop temps de philosopher.

Les restaurants et brasseries qui me faisaient l'honneur de mettre du château de Sauvage sur leurs tables furent contraints de fermer du jour au lendemain. Pour eux la situation n'est toujours pas réglée. L'arrêt des commandes encore valable jusqu'à aujourd'hui m'a conduit à solliciter tous mes clients et mes amis pour sauver un bateau menaçant de couler. Bien des amateurs et des personnes sensibles à l'avenir de notre agriculture nationale ont réagi magnifiquement et je les en remercie du fond du coeur. Les commandes de quelques cartons additionnées les unes aux autres ont constitué un beau rempart contre la déprime et m'ont donné la force pour passer ce vilain cap. Tous ces clients connus ou inconnus eux aussi ont arrêté de philosopher, ils m'ont aidé souvent sans avoir jamais goûté le vin.

Les jours ont passé, les beaux jours semblaient revenir quand le week-end du 9 et 10 mai, 150 mm d'eau se sont abattus sur les vignes, laissant mes voisins de Pujols sur Ciron les bras ballants avec un orage de grêle hachant menu les rameaux et les feuilles.

Sur la clairière de Manine, heureusement ce ne fut que de l'eau mais de l'eau comme on en avait jamais vu en si peu de temps.

La protection biologique impose une lutte préventive, il fallait donc après ces abats d'eau traiter au cuivre et au soufre pour éviter les contaminations successives prévisibles avec un nouveau jour de pluie le mercredi.  Il était évident que les vignes se prêtaient très mal au passage du tracteur. Mes sols entièrement enherbés ont permis de soutenir  le poids de l'engin mais certains passages au sous-sol argileux  et la terre meuble sous le rang si près des roues étaient autant de pièges et de sables mouvants. Il fut impossible de philosopher quand le tracteur resta embourbé par quatre fois. Cette obstination peut sembler absurde mais en 2018, le mildiou progressa terriblement à la suite de gros orages fin juin et détruisit la moitié de ma récolte. A l'époque j'avais voulu préserver mes sols du tassement. Il faut parfois choisir entre deux maux le moins pire mais sans philosopher, juste en évaluant rapidement la balance bénéfice/risque comme disent les médecins.

Aujourd'hui le temps sec semble s'installer pour plus de quinze jours et nous laisser enfin travailler manuellement à l'entretien de la vigne qui n'a pas eu le soin qu'elle méritait jusqu'à présent. Un nouveau millésime se prépare, le meilleur est encore possible et la précocité du cycle présage de belles choses. Pour être au rendez-vous des vendanges, il faut continuer à se retrousser les manches et on attendra cet hiver pour retrouver le goût de philosopher.

Je n'ai rien contre la réflexion d'ordinaire mais quand il faut y aller "faut arrêter de philosopher Carpentier !!"

0 commentaires

Le primat contestable du vin sur la vigne

A l'époque où les primeurs vont occuper le devant de la scène, l'objet de toute notre attention va une fois de plus se tourner vers le vin, même pas encore élevé. C'est un prodige que d'arriver à intéresser avec un produit en cours de polissage. Mais  va t-on parler de viticulture lors des primeurs ? Bien sûr que non.!  Le sujet agricole n'intéresse qu'à la marge le plus grand nombre, il ne préoccupe que les spécialistes , les chefs de culture, les conseillers agronomiques et les particuliers quand ils ont des interrogations liées aux pratiques plus ou moins respectueuses de l'environnement.

Et pourtant la viticulture est bien une culture, la vigne est un type de verger.

Quand les vignerons se rencontrent dans les instances officielles , ils ne parlent que de rendement, de cours du vrac, de négoce, de foires, de la promotion de leur appellation, d'image du produit. Les problématiques de la vigne ne sont traitées que lorsqu'une maladie perturbe le rendement comme le syndrome du dépérissement du pied appelé esca, ou bien l'épidémie de flavescence dorée. Jamais ou excessivement rarement le sujet des pratiques culturales ne va être abordé comme un sujet de débat ou d'émulation. L'émulation passe toujours par le vin, par le biais des concours, des dégustations, de la compétition commerciale. Les jeunes diplômés de la filière considèrent le diplôme d'oenologue comme un graal et une grande majorité d'entre eux souhaite travailler dans les chais plutôt qu'à la vigne. 

Il faut le reconnaître, le fait que l'activité du vigneron soit viti-vinicole, qu'elle aboutisse au vin, issu d'une transformation plus que complexe du produit brut, le raisin, conduit à percevoir la finalité comme le seul point digne de jugement et de comparaison et ce d'autant plus que la boisson génère un plaisir qui augmente encore plus le désir de connaissance. 

L'engouement pour les nouveaux modes de protection du vignoble (bio, biodynamiques) sont quant à eux des trompe-l'oeil car finalement ils ne suscitent de l'intérêt que dans la mesure où ils concourent à la suppression des moyens de lutte purement chimiques. Mais la viticulture ne se réduit pas à cela, elle concerne un spectre très large de compétences partant de la connaissance des sols jusqu'à la maîtrise des gestes pour conduire la vigne en passant une utilisation judicieuse et appropriée du machinisme.

Il est également symptomatique de considérer ce que l'industrie oeno-touristique propose. L'offre est toujours à base de visite de chais, de dégustations commentées tandis que la vigne est cantonnée à son rôle décoratif au bord des routes ou en fond de tableaux derrière les châteaux. Tout juste envisagera t-on pour le folklore de couper une grappe lors des vendanges.

Il ne s'agit pas pour moi de demander qu'on remercie les ouvriers viticoles comme à Cannes on rend grâce aux éclairagistes et aux maquilleuses pour faire bonne figure et tenter de faire accroire qu'on est pas trop imbu de soi-même. Il s'agit de recentrer le débat sur l'origine profonde du goût du vin qui provient de celui du raisin. Certes, la vinification, l'élevage et les mouvements du vin de le chai, vont sublimer, abîmer ou tout simplement transformer perpétuellement le goût jusqu'à la mise en bouteille mais et c'est quasiment un truisme, un bon raisin produira avec peu d'effort et peu d'intrants un bon vin.

Ne vaut-il donc pas la peine de se demander comment pousse la vigne sur un sol et sous un climat donné, comment on maîtrise sa vigueur, comment on la nourrit sans la gaver, comment on la fait bien vieillir, comment on la soigne, comment on la dirige sans la traumatiser, comment on la dompte sans la dénaturer ?

Ces sujets ne méritent-ils pas plus de débat que de savoir si les Bordeaux tiennent le haut du pavé ou si l'Italie menace la prétendue suprématie de la France, ou si la côte de tel grand cru est passé sous tel autre ? 

La culture de la vigne est une activité passionnante, tout autant scientifique qu'artisanale, rationnelle qu'intuitive, fruit d'un savoir et d'une expérience, faite d'erreurs, de cataclysmes et de millésimes parfaits. La viticulture se juge à l'aune du vin qu'elle concourt à produire mais pas uniquement, elle s'inscrit aussi dans une culture pluri-millénaire, comme une activité manuelle et technique, qui façonne une ruralité particulière si nettement perceptible en Gironde, qu'elle en est devenu l'identité et le symbole.

Tout cela conduira à d'autres développements en s'attachant aux aspects particuliers de la viticulture au cours des saisons.

 

0 commentaires

Les vendanges, de l'image d'Epinal à l'épinette.

vendanges 2016 et l'alignement des planètes.

Cela dura presque un mois, durant lequel les prévisions météorologiques tinrent lieu de mantras. A compter du premier matin, lorsque les paniers commencèrent à peser, les obligations de tout ordre s'effacèrent devant l'impératif de la récolte. Toute mon énergie lui  fut consacrée et les nécessités administratives, commerciales ou relationnelles furent reléguées dans l'ombre.

 

La temporalité des vendanges est calibrée par les règles communes à tous, la durée du jour, le code du travail et tout ce qui régit nos vies. Pourtant, la perception du temps est altérée par la continuité totale du travail qui, devenue toile de fond du quotidien, impose une nouvelle trame à l'existence, une nouvelle façon de vivre.

 

2016 fut l'année de l'alignement des planètes, qui permit en tout sérénité d'égrainer les journées de cueillette, puis d'intercaler les longues opérations au chai, les  heures de nettoyage nocturne, les monotones séries de remontages matinaux. Les journées furent belles et souvent si chaudes à midi qu'il fallut mettre en place des pare-soleils au dessus des bastes, de la table de tri et du pressoir.  Les secs ne furent vendangés que le matin puis le mois d'octobre arrivant, les températures devinrent idéales pour travailler à l'aise une fois passés les débuts de matinée réfrigérants.

 

Les vendanges ne sont pas des fêtes commerciales, où l'on sert le vin des années précédentes précisément au moment où il faut plutôt se concentrer sur ceux de l'année en cours. Vendanger au milieu des bois, loin du village, loin de la grande ville, c'est travailler dans l'anonymat, sans même que le hameau tout proche ne s'en émeuve. L'activité qui bruisse, qui vrombit, qui jacasse, qui interjecte, qui provoque joie, fatigue, satisfaction dans son intraitable progression vers l'aboutissement, se vit sans aucun autre témoin que les protagonistes eux-mêmes. C'est une pièce sans spectateur, une pièce pour le plaisir de l'art. Les vendangeurs y gagnent vaillamment un salaire digne mais sans excès au regard des efforts accomplis. Quant au vigneron, il joue tout le revenu d'une année, toute la célébration ou l'opprobre, la gloire ou la honte. Quelle drôle d'idée de s'associer ainsi à l'image de son produit, mais c'est inévitable quand on personnalise autant le vin pour le rendre unique, plaisant, aussi sympathique qu'on est censé l'être soi-même.

 

Le mois avance, le sommeil qui manque un peu plus chaque matin, devient un but en soi. Les cuves qui sont presque toutes remplies font l'objet de casse-têtes dès lors qu'il s'agit d'en transvaser une. Le silence des nuits étoilées vient à peser et je languis de la compagnie des miens  .  J'en arrive alors à ne vouloir que du trivial, du futile et prendre un café en terrasse en écoutant les bruits du marché, un journal sur les genoux suffit à mon bonheur.  Les petites plaies se sont accumulées et les mains engourdies, noircies aspirent au repos.

 

Quand arrive le moment, où les parcelles vendangées surpassent largement en nombre celles où les raisins attendent encore leur tour, le soulagement commence à infuser dans l'esprit embrumé. Une année à venir se dessine à l'orée de l'hiver. Le vin sera bon, l'essentiel consistera à ne pas le gâcher par de malencontreuses opérations ou maladresses. Les barriques tout au contraire vont lui donner la patine nécessaire et dompter ces tanins massifs et impétueux légués par deux mois et demi de sécheresse.

 

Les factures accumulées sur le bureau, les relances à effectuer, les portes-ouvertes qui arrivent à grand-pas, rappellent que la viticulture n'est pas un monde clos mais bien une activité économique qui nourrit les travailleurs et alimente une chaîne de valeur. On sort tout abasourdi d'un voyage en terres de vendanges, c'est une inclusion temporelle, un pas de côté, une portion de vie indispensable, précieuse, usante et stimulante.  Les jour de vendanges avec leur lot de décisions, d'adaptations au réel pour lui donner le plus possible un goût d'irréel forment au final une histoire qui se résume dans le mot millésime.

 

Je remercie tous celles et ceux qui m'ont accompagné dans cette bulle au coeur de la clairière de Manine,  entre les deux ruisseaux du même nom, sur ces terres pauvres et caillouteuses de Graves, qui firent le 2016.

souvenir de 2015

fin de service nocturne


1 commentaires

Après la ferme aux 1000 vaches, la vigne aux 1000 ha ? (partie 1)

Après avoir entendu le journaliste Christian Laborde développer sa vision de l'élevage et dénoncer le système carcéral et intensif que développe en partie le monde du lait et de la viande, je me suis pris à penser à l'adaptation de cette logique au monde viticole. On le sait peu, mais la concentration de la production est déjà en oeuvre depuis longtemps dans les vignes. Le nombre de déclarants dans les Graves a dû être divisé par deux en 20 ans. Les propriétés deviennent plus grandes, les distances parcourues sur la route par les tracteurs s'allongent. Dans le monde des caves coopératives, les fusions ont abouti à la création de mastodontes, machines à exporter des millions de bouteilles à bas prix. La conséquence économique immédiate de l'augmentation des surfaces est de faire baisser les coûts fixes dans les propriétés, un seul chai, de plus grosses cuves, des machines mieux rentabilisées. La compétitivité est forcément meilleure, la possibilité d'offrir un grand nombre de bouteille et de lui adjoindre un budget promotionnel conséquent sont autant d'éléments convaincants pour les chefs d'entreprise que deviennent les enfants de vignerons ou bien que sont les repreneurs de vignobles issus du monde de l'entreprise voire de la grande distribution !

 

LES CONSEQUENCES ENVIRONNEMENTALES

 

Mais qu'en est-il des logiques culturales mis en oeuvre par ces structures de plus en plus grandes ? 

 

Ce que je constate en premier lieu est la nécessité plus on accroît les surfaces, de montrer patte blanche dans le domaine environnemental. Des labels ont été crées, qui sont des moyens très lourds de garantir au consommateur qu'une réflexion a été menée tout au long de la production. Les pouvoirs publics, les interprofessions ont crée des sigles alléchants comme "système de management environnemental" dont le but est d'arriver à la certification ISO 14001. Le graphique ci-dessous pêché sur un site consacré à cette norme, montre à quel point on peut arriver à bureaucratiser jusqu'au respect même de la nature.  

Les intentions sont louables mais où se situe le biais à mon avis ? Quand on en arrive à mettre en place des commissions pour se demander dans son "entreprise" viticole ce qui cloche dans le respect des équilibres biologiques, c'est sûrement que la distance entre le décideur et l'exécutant doit être bien longue...

 

Est-il vraiment nécessaire d'instaurer des séances de réflexion pour installer un récupérateur d'eau ou pour mieux nettoyer son pulvérisateur ? 

 

 

Celui qui produit, qui utilise les machines n'a pas besoin de tout cela. Le chef d'entreprise en revanche ne pourra pas s'en passer, car son esprit est ailleurs, ses yeux sont plus souvent rivés sur un écran que sur la lisière mordorée dont l'image décore le pied de page de ce site.

 

LA SPECIALISATION DU PERSONNEL

 

Mais d'autres corollaires à l'agrandissement apparaissent également. De grandes exploitations signifient plus de mécanisation, plus de technologie. Comment faire le tour de tant de parcelles pour détecter les maladies, goûter les raisins ? Alors, généralement, les parcelles deviennent plus grandes, les rangs s'allongent. Mais qui pense au pauvre tailleur qui restera plusieurs heures dans la même rangée ? Même plus grande, une exploitation viticole nécessite toujours la même dose de soins à chaque endroit. On y suppléera avec des drones et des images satellites. Parfois, cela est cependant fort bien fait dans les vignobles à haute valeur ajoutée, où le personnel est adapté à la surface. On sectorise, on affecte, on responsabilise, on découpe les métiers (tractoriste, ouvrier viticole, ouvrier de chai, adjoint chef de culture, directeur technique, responsable qualité .....)

Qui a la vision globale dans ce cas là ? La personne privilégiée recrutée pour chapeauter l'édifice, qui aura fait de longues études (agro, diplôme d'oenologie, master de gestion  de propriété...). Pour les autres, c'est 35 heures de spécialisation par semaine, comme partout ailleurs dans l'industrie. 

C'est bien le soucis, la viticulture, comme l'élevage, comme tout dans notre économie devient une industrie. 

Et pourtant la presse ne parle que de portraits de vigneronnes et de vignerons, de parcs arborés, d'histoires de famille, de belles histoires . Un peu loin de la réalité ? Malheureusement oui. La niche que représente la viticulture familiale, risque de subsister pour alimenter les bars à vin de centre ville et les beaux articles des revues en papier glacé. 

Le statut de salarié remplace celui d'indépendant, les paysages viticoles remplissent une fonction "environnementale et paysagère" à défaut d'être une culture et l'âme d'une région.  L'observation du terrain au plus près et l'absence d'intermédiaire entre celui qui constate, celui qui préconise et celui qui décide, est le plus sur moyen de garder les pieds sur ... terre.

 

 

 


un processus qui fait rêver le vigneron, la certitude de faire du bon vin, le respect de la norme ISO ????
un processus qui fait rêver le vigneron, la certitude de faire du bon vin, le respect de la norme ISO ????
0 commentaires

Contre vents et gelées

Nous avons passé l'hiver à en avoir peur et comme tout événement inéluctable, il suffisait d'attendre pour le voir arriver, le gel de fin avril, sournois à souhait, car de plus en plus improbable quand le printemps affiche ses couleurs de camouflage et que l'élan de la sève semble irrépressible. Trop d'herbe, trop de travail du sol, on ne sait jamais quoi faire, si tant est que tout ce qui aurait dû être fait puisse l'avoir été à temps.. On s'en veut toujours, de ne pas avoir été lucide, perspicace, alerte, inspiré, intuitif, analytique, devin.  

Mais il suffit que le choc ne soit pas si terrible, qu'une pointe verte subsiste au sommet du rameau, que le panache de la future grappe garde son volume et sa rigidité pour qu'on retrouve d'infinies ressources en soi, pour surmonter, adoucir, apaiser le mal. 

Et voilà que la difficulté devient partie prenante du jeu du millésime. L'impossible ennui, le nécessaire sursaut quotidien, l'absurde quête du goût envoûtant, tant que la douleur n'est que piqûre, la douleur reste un jeu et le luxe  l'inattendu. 

 


Photo extraite de son contexte bourguignon pour illustrer l'état d'esprit du gel
Photo extraite de son contexte bourguignon pour illustrer l'état d'esprit du gel
0 commentaires

La pénibilité est l'avenir de la viticulture

La société numérique, robotisée, mécanisée qui est soi-disant inéluctable reste non souhaitable. Certes je suis le premier à communiquer avec un ordinateur, à tenir bon an mal an un blog sur ce site et donc je suis un acteur consentant de ce type de société mais à la différence près que cela ne régit ni ma vie, ni mon quotidien.

La photo d'illustration témoigne de ce qu'implique les vendanges manuelles, il faut des personnes en bonne santé pour couper des raisins dans les rangs, le dos cassé par le poids des paniers, qui sont ensuite déversés dans une hôte. Cette hôte sera elle-même vidée dans une baste (ou comporte) qu'il faudra soulever pour la poser sur une remorque-plateau. Une fois au chai, cette baste (30 à 40 kg) sera mise encore manuellement sur un chariot élévateur qui enfin permettra de placer le contenu sur la chaîne de réception vendange. 

Je détaille toutes ces opérations car cela illustre ce qu'implique très partiellement le travail manuel, cette succession d'opérations répétitives, qui deviennent pénibles à force de répétition mais qui restent à la fois le meilleur moyen de ramasser le raisin sans l'abîmer tout en le triant mais aussi celui de donner du travail rémunéré ! 

Vendanger à la main, effeuiller à la main, tailler à la main, épamprer à la main tout cela crée de l' emploi saisonnier la plupart du temps mais qui est complété par d'autres activités sur d'autres cultures en d'autres saisons. Supprimer les vendanges à la main, c'est enlever aux saisonniers une partie de leur revenu annuel, c'est rompre un modèle. Cela commence à dater désormais et tout la filière s'est organisée différemment et du même coup le monde des saisonniers a été malmené et les vendangeurs sont maintenant difficiles à recruter. Mais les chômeurs se comptent à la fourche et notre société est malade de cette oisiveté contrainte, malsaine pour le corps et l'esprit.

Pourquoi ai-je donc intitulé ce billet "la pénibilité est l'avenir de la viticulture" ? 

Tout d'abord je pense que le travail manuel est pénible mais qu'il est souhaitable et que l'intelligence procurée par l'action des mains existe, qu'elle enrichit le produit et lui confère peu à peu ses qualités. Le vin produit par le travail des mains est le fruit, voir le reflet de ces efforts et de cette intelligence. Il ne faut pas non plus idéaliser la perfection de l'action manuelle, elle peut être médiocre, négligente. Dans ce cas, l'effet sur le produit final sera également sensible. 

D'où la deuxième conclusion, la pénibilité assumée, vécue comme l'exigence indépassable pour obtenir un beau produit est la voie de l'excellence et de l'harmonie dans la société. Le travail qui fatigue, est un travail qui nourrit, qui a du sens, qui donne de la fierté. Il s'inscrit dans une société laborieuse, où gagner sa croûte est une obligation vitale. Ainsi supprimer la pénibilité  superflue, celle qui use précocement le corps, peut se concevoir comme un progrès mais nier l'apport du geste, du geste répété, du geste patient, du geste tranquillement pénible est non seulement un appauvrissement qualitatif et culturel pour le monde du vin mais encore plus l'oubli que c'est en donnant un emploi à tous les hommes que notre société pourra continuer de vivre en paix. 

0 commentaires

rendement et écologie

Comment concilier l'obtention d'un rendement "réglementaire" fixé par les hommes tout en respectant les possibilités d'un sol avec des apports uniquement naturels ? Cela fait 10 ans que je tâtonne en essayant divers procédés et sans être encore arrivé à des certitudes. Ce qui est sûr c'est qu'en l'absence d'une méthodologie universellement reconnue et validée scientifiquement, l'agriculteur est obligé de découvrir lui même la solution à force d'essais empiriques. 

L'agriculture depuis les années 1950 a permis l'obtention de hauts rendements à partir d'énergie d'origine fossile qu'il s'agisse du gazoil pour la force motrice ou des engrais minéraux issus d'usines de l'industrie chimique, tout comme les produits anti-fongiques ou pesticides divers (insecticides, herbicides). Cet agriculture a fonctionné et fonctionne encore au mépris des conséquences à long terme en pensant sourdement que l'essentiel est de produire aujourd'hui tout en s'appuyant sur des sols transmis par des générations laborieuses et "écologistes" sans le savoir. Cela fonctionne localement au mépris d'un désordre de plus en plus global et coûteux pour la société. 

L'utilisation de l'azote est le plus explicite, car cet élément a un lien direct avec le rendement et son coût reste relativement modeste par rapport au gain espéré. Utilisé à petite, moyenne ou forte dose, personne ne sait vraiment quelle proportion est assimilée et fixée par le sol, seul compte l'observation de l'effet d'accroissement de la vigueur sur les végétaux. La fraction lessivée et envoyée dans les nappes ou dans les rivières est ignorée, car localement elle est indécelable. Ce n'est que la multiplication de cette pratique dans une zone géographique étendue qui va conduire à en constater les effets, mais à ce moment-là il sera très compliqué de remonter à la source et d'incriminer tel ou tel, l'agriculteur inconscient ou le jardinier du dimanche qui l'est tout autant et qui s'imagine encore moins que ses pratiques hyper-locales puissent avoir des répercussions générales.  Or l'azote a crée des fortunes dans les campagnes, il a permis aux plantes de grossir, aux fruits d'atteindre des tailles inespérées. Qu'il induise l'utilisation des herbicides car les plantes non souhaitées poussent tout autant que la plante cultivée, l'utilisation des anti-pourritures car les fruits entassées évacuent d'autant plus mal l'humidité et pourrissent d'autant mieux, le recours aux insecticides car les plantes en monoculture provoquent systématiquement des pullulations liées à l'impossible équilibre de la faune sur une nature non diversifiée, cela n'est jamais mis en avant ni par les vendeurs de produits, ni par les instances agricoles officielles qui ont elles-même popularisées ces pratiques. Comment sortir de cette impasse? L'agriculture dite "biologique" a permis de constater qu'en ayant recours qu'à des amendements issus d'énergie photosynthétique directe (engrais verts, composts, sols vivants) ou indirecte (engrais d'origine animale), l'équilibre des sols pouvait être plus facilement atteint sans les effets secondaires liées à l'agriculture chimique. 

Quittons maintenant le seul cas de l'azote pour étudier l'obtention de rendements économiquement viables tout en restant cohérent avec le fonctionnement harmonieux des écosystèmes.  Depuis 10 ans, dans le cadre de mon activité viticole, j'essaie de produire un raisin sain, savoureux dans la plus grande quantité possiblement produite par mon sol pauvre de graves sableuses. Le fait est que j'ai tout d'abord considéré le sol comme un équation et cela parce que c'est la version officielle dans l'enseignement agricole en France. Un récolte exporte X kilos de matière organique donc il faut compenser cette perte par un apport de f(X) kilos selon des ratios dépendants de la structure et des propriétés physico-chimiques du sol. Le fait que le sol  soit enherbé ou non n'était pas une question, l'herbe n'étant censée servir qu'à porter les roues des tracteurs.  Mais peu à peu, conscient des dangers du lessivage sur un sol sableux, je me suis intéressé à la matière organique dans la terre, à son maintient et à son rôle dans la fertilité. Instinctivement averti du caractère toxique des herbicides, je me suis toujours refusé à utiliser un produit tuant la vie sur et dans le sol fertile. Par l'observation et la lecture, j'ai découvert tout l'intérêt des racines des adventices (en langage courant les "mauvaises herbes) dans la structuration du sol, la rétention et l'adsorbtion de l'eau et le maintient de ce que Marcel B Bouché appelle le plexus écosystémique.  L'apport de la faune du sol essentiellement constituée par les vers de terre, y compris dans les Graves, est essentiel  pour maintenir la fertilité. 

Mais tout cela bien que nécessaire ne s'est pas avéré suffisant pour obtenir année après année le rendement en raisin qui puisse me permettre de dégager le revenu suffisant pour survivre dans ce monde de compétition économique. La vigne donne du fruit  mais les sols sableux étant filtrants, la suppression des herbes étant nécessaire en période végétative pour assurer la priorité de la destination des ressources du sol vers les raisins, la dynamique des sols doit être complétée par des apports. Il m'a fallu du temps pour le comprendre car les errements de l'agriculture chimique ont fini par faire craindre les effets délétères de la sur-vigueur liée à la fertilisation (pourriture, maladies). Le procédé le plus naturel est d'apporter un complément d'origine animal allant au delà de ce qu'un équilibre avec l'environnement peut déjà apporter : vie animale aérienne (déjections et cadavres) et souterraine avec la migration des éléments biogènes entre les différentes horizons du sol, apports éoliens, feuilles et pollens des lisières. Une ferme est normalement une activité associant production animale et végétale, les deux se complétant très bien selon un ration dépendant des conditions climatiques et pédologiques locales. La vigne est malheureusement devenue une activité unique liée à l'exigence d'hyper-spécialisation imposée par le métier (production, transformation , vente et pour un part non négligeable obligations administratives). Or l'élevage de quelques bêtes serait grandement conseillée car il apporterait de nombreux bénéfices écologiques au vigneron. (tonte des rangs, fertilisation, diversité animale). J'ai donc opté pour une solution intermédiaire, la confection de mon propre compost à base de rafles, de fauche d'herbes des tournières, de feuilles mortes ramassées le long des lisières de ma clairière le tout mélangé à du fumier équin. Les chevaux ont remplacé les vaches dans les Graves et la bonne entente avec leurs propriétaires peut ainsi permettre de trouver à proximité le complément animal nécessaire à la vigueur de la vigne. Ceci étant des amendements organiques d'origine animale, issus bien souvent des élevages intensifs porcins ou aviaires sont aussi nécessaire et leur prix est élevé car malheureusement la France moderne est écartelée en différentes régions agricoles hyper-spécialisées, ce qui semble un non sens écologique. Mais au moins, mieux vaut recycler les trop pleins de lisiers qui polluent les côtes et les nappes bretonnes en les incorporant dans les terres maigres du sud gironde. Ainsi sans recourir aux fertilisants d'origine fossile, un équilibre à peu près naturel (au transport près) peut être trouvé. Mais l'objectif n'est pas là, il est d'arriver à l'autonomie locale en ayant le moins possible recours à des solutions lointaines. Ainsi arriverai-je peut-être avant la fin de mon parcours viticole à trouver le bon équilibre entre rendement et respect de l'équilibre de l'écosystème. 

 

4 commentaires

Entre merlot et Petit-verdot, contrôles de maturité et pigeages

Il y a un bel écart de maturité entre les merlots d'une part et les cabernets et petits-verdots d'autre part. Cela permet de bien travailler au chai, en effectuant notamment sur les cuves les plus qualitatives un ou plusieurs pigeages. On peut procéder avec une véritable pige mais dans mon cas, pour une petite cuve ouverte, je préfère utiliser une pelle en plastique alimentaire pour créer des passages du moût par les bords de la cuves, comme le montre la vidéo. De plus, cela est moins difficile de plonger une pelle, qu'une pige plate. 

La photo du haut montre un réfractomètre, qui permet d'avoir une lecture directe du degré potentiel des raisins en appliquant une goutte de jus sur une plaque de verre. En arpentant les vignes, on peut ainsi radiographier la 

concentration en sucre des raisins. Cela est particulièrement utile pour les blancs atteints de la pourriture noble car l'évaluation du degré potentiel est très compliquée à évaluer par la méthode du prélèvement et de l'analyse.


2015 tient ses promesses pour l'instant avec un fruit franc et une belle couleur, sans pour autant crever le plafond des degrés comme on aurait pu le craindre. La date des vendanges reste primordiale pour déterminer le profil choisi car une fois dans la cuve, on ne peut plus changer grand chose. Les petits-verdots ne sont pas encore mûrs mais ils sont déjà très bons à déguster avec encore une pointe acide. 


0 commentaires

Petit-verdot : il y a du vert dans le verdot

Le mois de septembre a déjà égrainé quelques journées bien remplies par les ultimes travaux d'effeuillage.  Le soleil que l'on a craint cette saison doit désormais entrer de toute part jusqu'aux baies, de façon à ce qu'elles ne restent jamais humides le matin ou après une averse.

Le facétieux petit-verdot dont la véraison fut la plus tardive des trois cépages rouges, chargé à souhait avec parfois trois grappes par rameaux, n'arrive pas toujours à faire mûrir l'ensemble de sa production. Il faut donc l'aider et passer avant les vendanges pour éclaircir les grappes roses ou parfois vertes. Celles-ci, si on les laissaient sur pied pourraient ne pas être repérées par les vendangeurs car elles pourraient alors sembler noires comme les autres, mais en vérité le décalage de maturité serait toujours aussi important. 

Sur la photo, on comprend aisément et elle semble d'ailleurs tellement claire que j'arrêterai là mes commentaires.

0 commentaires

Millésime 2015, un peu de lyrisme, beaucoup d'espoirs

véraison château de Sauvage
veraison fin juillet 2015 château de Sauvage

C'était le 28 juillet, les premières baies vérées pointaient timidement leur petites bouilles rouges au milieu d'un mur de grappes vertes encore liées au printemps et à son effusion de vert tendre. 

La pluie condescendait enfin à tomber sur l'Aquitaine après deux mois d'abstinence et l'espoir d'un grand millésime pouvait dès lors s'épanouir dans les esprits avides d'exploit. 

Deux mois sont passés, la véraison fut aussi rapide que la fleur en son temps, les pluies se sont espacées gentiment, apportant le carburant nécessaire à la croissance des baies sans excès et sans trop de pression parasitaire. 

L'été fut studieux, il l'est encore, 2015 n'est pas 2010, grande année des fainéants.

2015. Ne nous déçoit pas, tiens bon quelques semaines encore !

Nous travaillons durs pour laisser les grappes enfin respirer et voir le soleil, trop brûlant jusqu'à présent. Les grappes vermillons, les grappes dorées sont d'ores et déjà vinifiables mais bien évidemment il faut attendre, laisser les équilibres se bâtir, laisser les nuits plus fraîches construire les arômes, laisser les acides s'effacer, laisser le rêve s'installer. 

2015, tiens bon ! ne nous déçoit pas au dernier moment ! Allez, nous t'accompagnerons jusqu'au bout.

6 commentaires

J'ai planté un frisia au bout de mon champs, perdrerai-je ma peine, perdrerai-je mon temps

Gilles Vignault a marqué bien des esprits avec sa chanson "j'ai planté un chêne", elle renvoie à la fable de la Fontaine sur le vieillard et les trois jeunes hommes, elle nous rappelle la nécessité du temps pour recueillir les fruits du travail de la terre mais aussi du lien de l'arbre entre les générations qui passent. 

J'ai donc planté un "frisia" et non un chêne, car le frisia appartenant à la famille des légumineuses, il a l'avantage d'enrichir  naturellement le sol en azote. Son ombrage limité par une taille annuelle, apportera un peu de fraîcheur au grès de la course du soleil aux alentours ( canicules à prévoir obligent). Ce seront quelques petits verdots qui en profiteront. Si l'expérience est concluante, il faudra profiter de tous les lieux où cela est possible et mieux encore d'inclure ce projet dans les plantations futures. 

C'est une déclinaison de la désormais à la mode "agroforesterie" !

0 commentaires

Bilan d'étape du millésime 2014

Peu prolixe ces derniers mois, je me suis consacré entièrement à la réussite culturale du millésime 2014 tout en préparant l'avenir avec d'importantes plantations. 

D'ici 3 ans, les assemblages en rouge compteront 3 cépages, vinifiés séparément. Le merlot gardera la place prépondérante mais le cabernet-sauvignon sera épaulé par le petit-verdot dont la production pourra représenter jusqu'à 15% des rouges. 

Je parie donc sur le potentiel du petit-verdot et sa maturité tardive et capricieuse mais si riche quant elle atteint sa plénitude. Il suffit de croquer les raisins pour saisir tout l'avantage d'un troisième cépage aux notes fruités et épicées, à la couleur confinant au noir et à la trame tannique serrée grâce à une taille de baie très petite. 

Les blancs ne sont pas oubliés puisque je replante quelques centaines de pieds de muscadelle et de sauvignon. Les Graves garderont toujours l'aptitude à produire d'excellents blancs secs ou moelleux et nous ne devons pas succomber au goût du monochrome vermillon.

Enfin des nouvelles du front de 2014, pacifique et prolifique pour l'instant. Les maladies sont sous contrôle, l'herbe est maîtrisée et cela fut compliqué avec la pluviométrie généreuse de juillet. Si les sémillons sont clairsemés, ils n'en seront que plus concentrés. Les merlots nécessiteront quant à eux peut-être un petit éclaircissage mais échaudé par les aléas de 2013, j'attendrai le début de la véraison pour le mettre en oeuvre. 

Un feuillage sain et une météo plutôt clémente nous permette de tabler sur des vendanges assez précoces et fournies tout au moins en rouge. 

Les perspectives qualitatives sont très bonnes mais nécessiteront d'être précisées et vous en entendrez parler...

0 commentaires

L'avenir appartient au petit-verdot

Après toutes les péripéties de 2013, il faut penser à l'avenir. Les plantations offrent l'occasion de repenser l'encépagement et donc le futur profil des vins en pariant sur un climat pour les 30 ans à venir. Le petit-verdot dont la matûrité est intermédiaire entre merlot et cabernet-sauvignon doit pouvoir convenir à des années plus chaudes. Vendangeant à la main, il me permettra également de cueillir sereinement les raisins rouges chacun en son temps. En outre, le petit-verdot a prouvé sa bonne complémentarité avec le merlot, lui apportant une belle concentration d'arômes fruités et épicés en plus d'une belle matière liée à la petite taille de ses baies.

Sur la photo ci-dessus, vous pouvez observer les racines de vieux sémillons, arrachées à la main pour éviter tout développement de champignons dans le sol risquant de dégrader les jeunes racines de la future vigne. J'ai conservé quelques rangs de sémillon pour le patrimoine génétique qu'ils représentent (planté en 1958, sans clone). Dans le monde cloné que nous impose l'administration, il faut rester prudent et conserver une ressource génétique variée pour l'avenir. Pour ceux qui s'intéressent au sujet, je conseille la lecture du livre de Pascal Picq, "De Darwin à Lévy-Strauss"  chez Odile Jacob, qui nous met en garde contre l'apauvrissement de la diversité au sens large. 

N'oublions pas que la diversité constitue le meilleur rempart contre les catastrophes climatiques à venir. Elle seule permettra de puiser des solutions pour nous adapter au mieux aux nouvelles conditions de vie. La vigne, loin de là, ne fait pas exception

0 commentaires

Si on parlait de 2013 ? Après coup.

Peut-être faudrait-il plus parler des belles portes ouvertes 2013 dont les démonstrations de jonglage et les performances d'équilibre de toute sorte (dont une échelle sur le menton mémorable) ont égayé les deux jours plutôt que d'égréner toutes les difficultés rencontrées cette saison. 

Néanmoins étant adepte d'un discours clair depuis l'ouverture de ces carnets, je vais donc résumer les aléas rencontrés.

28 avril , un petit gel réduit à néant les cabernets-sauvignons, les petits-verdots et une partie des sauvignons et des merlots. Conséquence, une décallage de matûrité de plus de 15 jours lors des vendanges.

Printemps, des pluies régulières lors de la fleur des merlots amputent la récolte sérieusement par l'effet de la coulure et du millerandage.

3 octobre, un orage de grêle abîme les cabernets-sauvignons et la deuxième trie des moelleux. on compte sur chaque grappe un nombre variable de raisins éclatés qu'il faudra trier sur pied à la récolte.

Vendanges 2013 : excepté pour les deux premières semaines de septembre, la météo est pluvieuse voire orageuse avec des cumuls de plus de 20 mm parfois par épisode pluvieux.

 

Que faire avec cela ? 

Premièrement, j'ai décidé dès la fin juillet de ne plus travailler les sols pour laisser le couvert végétal naturel recouvrir les rangs et absorber les éventuelles pluies d'automne puisque à cette époque nous savions déjà que les vendanges seraient tardives et donc potentiellement pluvieuses. 

Ensuite, l'effeuillage manuel s'est étalé au cous de tout l'été puisque quelques épisodes caniculaires empêchaient de laisser trop fortement les raisins exposés au soleil. L'effeuillage complet fut achevé 3 semaines avant les vendanges empêchant toute repousse lors de la cueillette et laissant le maximum de feuilles pour la photosynthèse au plus près de la récolte.

Enfin, les vendanges furent étalées sur tout le mois d'octobre laissant à chaque cépage le plus de temps possible pour mûrir et les efforts de tri furent draconiens pour éliminer les grains pourris surtout dans les merlots. Les secs furent récoltés uniquement avec les raisins sains et du coup la quantité produite fut ridicule (7hl).

Les efforts furent poursuivis au chai, placant les petits volumes dans de petites cuves parfois acquises pour l'occasion. Les rouges furent même en partie vinifiés en barrique (fond ouvert ! ).

A ce prix, 2013 conserve des caractéristiques classiques pour un millésime pourtant exceptionnellement difficile. La couleur est présente et le fruit aussi grâce aux petits rendements et à un tri particulièrement soigné sur table (baies non mûres retirées). Il reste une acidité supérieure à la moyenne qui nous rappelle un peu 2007 et nous laisse penser que 2013 sera un millésime de garde moyenne mais dont l'expression favorable risque d'être atteinte entre 3 et 4 ans d'âge. En effet, il lui faudra mûrir au chai et en bouteille avant d'être commercialisé et les conseils de garde pour la clientèle seront bien précis. 

Tout millésime possède sa période de grâce, elle est plus ou moins précoce et plkus ou moins longue. Je pense que 2013 aura son heure de gloire, mais qu'elle sera relativement courte par rapport à ses illustres prédécesseurs (9,10,12) et aux plus contrastés, en fonction des cépages, millésimes 08 et 11.

Soyez curieux et goutez les 2013 d'ici trois ans pour les rouges et 2 ans pour les blancs. 

Un mot pour les moelleux, ils sont véritablement moelleux cette année c'est-à-dire pas de faux liquoreux. Le pourri était là, difficilement concentrable, on en a fait un authentique Graves Supérieures avec du botrytis et une petite liqueur. Autrement dit, il tiendra bien sa place en apéritif sur les tables d'été ou sur les comptoirs de bars à vin.

0 commentaires

Portes-ouvertes au château de Sauvage durant les vendanges.

Vendanges 2013 et Portes-Ouvertes


Pour ceux qui voudraient se faire une idée de 2013, pourquoi ne pas venir voir par soi-même ?

Le millésime n'a pas bonne presse, il est vrai qu'il est compliqué et que les résultats sont difficillement prédictibles. Une chose est sûre les vins de 2013 seront hétérogènes tant les décisions de dates, les choix techniques et les sélections de lots seront déterminants. Il faut couper les cheveux en quatre, séparer les parcelles et par dessus tout trier sévèrement les raisins grâce aux vendanges manuelles.

Les secs ont déjà été ramassés et au prix d'une grosse perte de récolte, la qualité a été préservée. Les conditions humides de la mi-septembre permettront en revanche de lancer le ramassage pour les moelleux bien plus tôt que prévu.

Donc, ceux qui veulent découvrir le nouveau millésime en fermentation et les anciens en bouteille pourront venir les 19 et 20 octobre à la propriété. Au programme des animations de cirque avec Jean-Baptiste mon adjoint pour les vendanges et amateur d'équilibrisme et de jonglage qui fera un mini-cirque pour les visiteurs.

On vous attend avec impatience

0 commentaires

Coup de coeur agronomique

Je conseille vivement la lecture de cet ouvrage à tous ceux qui veulent comprendre le fonctionnement du sol. Les écoles d'agriculture nous apprennent à gérer les sols à travers le filtre d'analyses d'échantillons pris à un moment m et qui vont déterminer l'ensemble des choix agronomiques pour cinq ans. Or, un vigneron peut observer son sol toute l'année et en tirer une multitude d'enseignements qui vont de l'état de la biodiversité au tassement de son sol en passant par les indications sur les éléments les plus disponibles à travers la pousse de tel ou tel adventice mais cela à condition qu'il sache décrypter le sens de la levée des plantes dans ses rangs !

Merci à Gérard Ducerf dont j'ai acheté les deux volumes de son encyclopédie. Ces ouvrages valent autant par leurs fiches que par la partie didactique en introduction.

Peu à peu nous allons reconquérir le savoir sur les plantes dont nous avons cru durant quelques décennies pouvoir nous abstraire au profit d'une croyance quasi magique dans les pouvoirs de la chimie.

 

1 commentaires

Après le gel, le vigneron s'occupe...

Le gel a frappé le 28 avril sans anéantir les espoirs du millésime. Les cabernets-sauvignons ont beaucoup souffert avec quelques rescapés qui permettront d'en mettre un peu dans le 2013, histoire de faire un assemblage. Le potentiel des merlots est quasi intact même si à quelques endroits des pertes sont à prévoir. 

côté blanc, il y a des dégâts qui conduiront certaines parcelles à être conduites piour le moelleux. Comme les vendanges se font par tries successives, les écarts de matûrité ne seront pas gênants.

Voyons le côté positif, il y aura plus de concentration.

Concernant les cabernets, ma foi, préssés et récoltés tardivement, il feront un très bon rosé !!!

En suspens les petits-verdots, touchés mais de façon homogène et qui s'ils mûrissent bien pourront rentrer dans les cuvées de rouge.

 

Opération transparence au château de sauvage

3 commentaires

biodiversité et taille du vignoble

A l'occasion d'une conférence sur la biodiversité  donnée à Blanquefort au château "école" Dillon, propriété rattachée au lycée viticole, une série d'arguments m'ont été fournis qui corroborent ce qu'empiriquement j'avais déjà constaté.

A travers de multiples observations de terrain et de comptages établis avec une grande rigueur scientifique, la conférencière nous a convaincu que plus le vignoble était étroitement inséré dans un paysage varié, plus la diversité des espèces (insectes, mamifères, oiseaux) y était grande. Les lisières de bois ménageant une transition douce vers les cultures grâces à des niveaux de strate arbustive dégressifs aident également à promouvoir le passage des espèces vivant dans la fôret vers la vigne. Il se trouve que le château de Sauvage se situant au milieu des bois, constitue un bon exemple des démonstrations apportées et ce à un double titre.

Premièrement, la vigne est dans ce secteur minoritaire par rapport aux étendues de bois de feuillus et de résineux alentours. La monoculture de la vigne sur quelques hectares ne modifie en rien les équilibres généraux de milliers d'hectares environnants.

Deuxièment et ce point n'est pas le moins important, la taille de chaque parcelle de vigne est toujours petite (de 0.2 à 1 ha maximum) avec des rangs dont la longueur n'excède jamais 120 mètres. Pratiquement cela signifie que le bois n'est jamais à plus de 200 mètres du pied de vigne le plus au centre, mais aussi que le pourtour de chaque petit espace planté en vigne est irrigué par des tournières enherbées de toute la richesse souterraine inviolée (lombric par exemple). En effet n'utilisant pas d'herbicide, il faut bien travailler les sols de temps en temps pour limiter la concurrence de l'herbe et ce faisant détruire une richesse faunistique temporairement. Or il est flagrant que les tournières réensemencent les rangs par les extrémités. Si les rangs sont courts, il est évident que le phénomène est encore plus marqué. 

La preuve par A + B que "small is beautifull". Les grands espaces mécanisés sont donc à mettre en question. La nature adore le morcellement et l'homme a trop vouloir tout simplifier finit par détruire une richesse dont il a pourtant grand besoin.

0 commentaires

Vignoble et obsession de la croissance, à quoi bon ?

 

Lorsque j'annonce à mes interlocuteurs que je produis sur 6 ha et que je n'ai pas l'intention de m'agrandir, je sens toujours une note d'incrédulité. Il est facile de comprendre que tout le monde ne puisse pas s'installer avec 40 ou 80 ha mais il est plus difficile de saisir pourquoi atteindre cette taille n'est pas l'objectif ultime de tout entrepreneur. Avant de m'expliquer là-dessus, je propose de présenter ce que font souvent les autres.

 

  • De nombreux viticulteurs héritent dans des conditions parfois complexes de vignobles acquis par leurs aïeux. Il est parfois étonnant de considérer qu'à chaque génération, il s'est trouvé un ou une volontaire pour poursuivre l'aventure. Dans ces cas là, le projet dépasse les dimensions d'un désir individuel et s'inscrit dans une histoire dynastique (les exemples ne manquent pas et les revues de vins aiment ces récits familliaux). Chaque génération se doit d'apporter sa pierre qui consiste souvent  à augmenter le périmètre du foncier. Monter en gamme peut aussi et parallèlement consituer un autre objectif. Les raisons semblent provenir du fait qu'à chaque génération le nombre d'actionnaires augmente et que le rendement du vignoble pour chaque héritier diminue. Il doit aussi y avoir une dimension psychologique qui pousse chaque génération à donner des gages de son engagement et à faire ses preuves en apportant une plus-value à l'héritage. Dans ce cadre là finalement la taille du vignoble est souvent subie plus que souhaitée et changer de modèle demande vraissemblablement de s'opposer à sa famille, d'aller à l'encontre d'un modèle implicite de "grand" vignoble s'insérant dans le concert des autres "grands" à côté de qui l'on vit et au jugement duquel on est perpétuellement soumis.
  • D'autres viticulteurs, qu'on appelle les néo-vignerons arrivent sur le marché viticole en investissant de grosses sommes pour des raisons multiples et ne sont souvent plus très jeunes. Leur engagement physique au profit de la propriété est limité et leur mode de faire-valoir implique le recours à la main d'oeuvre salariée. Les seuils de rentabilité des achats du foncier,des matériels et les marchés visés (export, grande distributions) contraignent de s'établir sur des surfaces importantes (sauf exception avec les crus style Pommerol à très haute valeur ajoutée)
  • les pionniers qui investissent et surtout s'endettent sont contraints de faire le maximum d'opérations par eux-mêmes, de la production à la vente. Les niveaux d'endettement conduisent souvent à prendre des fermages, ou à acheter des parcelles pour gagner la course entre les dettes et les créances, car les calculs initiaux buttent souvent sur des réalités plus dures que prévues et la fuite en avant est la seule issue possible. 

 

Il reste quelques indiens dont je suis, qui ont eu la chance d'avoir été aidés pour l'installation par la famille et dont l'apport initial doublé de quelques emprûnts ont permis de rendre possible l'entrée dans le monde viticole. Après quelques années d'expérience et aprés avoir mis en place quelques produits sur différents circuits, la possibilité de vendre plus peut se présenter. Il devient envisageable d'acquérir des vignes ou d'en planter pour alimenter ces clients toujours demandeurs.

Ceci présente l'intéret évident de rentabiliser l'outil de production comme pour les exemples cités plus haut. Pas besoin d'acheter de nouveau chai, de nouveau tracteur si l'augmentation de surface est raisonnable. Mais il apparaît que grandir modifie non seulement les paramètres économiques mais surtout la nature du métier. Le recrutement de personnel conduit le vigneron solitaire à se convertir en employeur, contraint de consacrer de plus en plus de temps aux dispositions légales liées à la sécurité du travail, au droit social etc.... L'augmentation du nombre de bouteilles à vendre le conduit à sortir de plus en plus de ses vignes pour se tranformer en agent commercial. Les sommes engagées l'obligent à consulter de plus en plus son banquier et insensiblement le vigneron polyvalent devient un homme orchestre suroccupé incapable d'accorder du temps aux siens, aux autres et à soi. 

 

Logiquement, produire plus c'est à terme gagner plus, mais la chance de pouvoir tout simplement vivre de son travail sans sensation d'asphyxie affective ou intellectuelle doit rester bien présente à l'esprit. De nombreux viticulteurs que je rencontre me disent envier mon modèle modeste sur 6 ha de Graves. Mais ils semblent englués dans des choix qu'ils n'ont pas faits ou ne peuvent plus faire.

Certes avoir une trésorerie sur le fil du rasoir est éprouvant pour les nerfs et les aléas climatiques se chargent de pimenter le quotidien, mais en restant petit rien n'est jamais catastrophique car si l'on chute on peut toujours rebondir par ses propores moyens à force de travail. L'obsession de la croissance partagée par l'ensemble de notre modèle économique me semble néanmoins absurde. La vie est courte, la jeunesse est un souffle et si la viticulture a un grand intérêt, il consiste à vivre au milieu des terres, à sentir passer les saisons, à pouvoir penser librement en taillant l'hiver ou en épamprant au printemps. Qui prend le temps de s'allonger dans un rang et de faire des vers comme le sous-préfet de Daudet ? 

Alors avant de s'agrandir, il convient de bien réfléchir et de se poser quelques questions bien personnelles . Ai-je un toit ? Est-ce que je mange à ma faim ? Suis-je libre ? Est-ce suffisant ? A mon sens oui.

0 commentaires

fin des vendanges et des décuvages

la photo du dernier nettoyage nocturn
la photo du dernier nettoyage nocturn
0 commentaires

mécanique de la vendange manuelle

remontage il y a quelques années. Du merlot sans doute
remontage il y a quelques années. Du merlot sans doute

A l'approche de la cueillette, l'on se demande ce qui restera de ces moments d'indécision lorsque quelques années plus tard les bouteilles seront ouvertes et que vainement on cherchera à se souvenir des critères qui prévalurent pour choisir la bonne date de la vendange.

Si je prends le cas du merlot, qui nous occupe actuellement, il révèle toute la sensibilité du choix d'une date car avec lui la fenêtre de récolte est très courte et ne laisse au vigneron que l'alternative de penser avoir vendangé trop tôt ou bien de se désoler d'avoir trop attendu. Du jour au lendemain, sous la simple action de brouillards matinaux, les raisins hier sublimes ne sont que bouillie insaisissable et couverte de botrytis . Si l'on pense de surcroît que pour s'y mettre, il faut avoir des vendangeurs disponibles en nombre suffisant au bon moment, avec une météo clémente, pas trop chaude, sans soucis matériel au chai, on saisit que ces jours là sont cruciaux et tendus. 

Mais comme une grande partie du profil du vin se joue dans cette décision, le vigneron mobilise toute son énergie et sa réflexion à tourner et retourner les paramètres dans sa tête, à arpenter les rangs en se gavant de raisin pour se persuader qu'il ne se trompe pas. 

Cette année, le ban des merlots Sauvage sera le lundi 1 octobre conformément aux prévisions de début août. Les raisins sont tellement sains, que je me demande s'il n'est pas trop tôt mais comme je viens de l'indiquer tout bouge si vite et les pellicules sont si riches en couleur et en tanins que leur état parfait permettra de les laisser macérer longtemps et doucement sans trop secouer les pépins qui eux sont quelque peu en décalage avec le reste des éléments des la baie. 

Ah merlot 2012, nous souviendrons-nous de toi dans 10 ans ?

0 commentaires

millésime 2012, prenons les paris

Un peu d'optimisme ne nuirait pas. Certes le mildiou devient une obsession et il est difficile de penser à autre chose mais regardons le verre à moitié plein. Les cabernets-sauvignons et les blancs sont à peu près sauvés et la véraison approche. Bientôt nous pourrons évaluer les dégats et j'avoue ne pas avoir le courage de vous montrer des grappes atteintes tant cela est laid. Bientôt le raisin sera à l'abri puisque en virant de couleur, il devient immunisé contre les attaques du mildiou. 

Qu'est-ce qui peut être bénéfique au millésime dans ce contexte ?

  • Les assemblages seront différents, plus marqués par les cabernets qu'il va falloir du coup bien réussir et pousser bien loin en saison par des effeuillages et des échardages soignés à la main (pas de blessure, pas de porte d'entrée pour la pourriture). Il y aura donc une typicité marquée et une différence vraissemblable avec le cycle 2009-2011. 
  • Les grappes perdues peuvent être assimilées à des vendanges en vert. Les pieds de merlot du coup peu chargés, avec des raisins bien aérés, pourront aller au maximum de leur processus de maturité sans risque d'humidité dans les entassements. Pieds aérées et grappes bien séparées sont finalement ce que l'on recherche, même si le corolaire est une belle perte de rendement.
  • les sols sont humides et l'alimentation hydrique des pieds a permis de bien assimiler les éléments du sols. Il ne reste plus qu'à souhaiter maintenant une longue période sèche avec quelques ondées début septembre pour tenir jusqu'aux vendanges.    

Voilà, pour ceux qui aiment suivre les coulisses d'un millésime, 2012 permet d'élargir le spectre des expériences viticoles. 

 

0 commentaires

La preuve par la pluie ....

Bio et exception chimique : la preuve par la pluie. Trois journées consécutives pluvieuses avec 55 mm d'eau cumulés, voilà ce qui suffit à lessiver n'importe quel produit de contact et à contaminer en chaine sans aucun frein par la suite. 

Comme je l'indiquais dans le billet précédent, imposer un dogme au mépris des résultats techniques est la meilleure façon de s'appauvrir. Cette année est exceptionnelle et la virulence du mildiou est extrême. Quiconque a traité avec des produits pénétrants ou systémiques a réussi à juguler l'épidémie de mildiou. Ceux qui comme moi ont voulu combattre avec les moyens dits "bio" en paient le prix et les pertes de récolte sur merlot sont graves. Un peu tard j'ai donc choisi de limiter les pertes et d'appliquer un bon vieux produit bien chimique. Il faut savoir mettre les mots sur les choses et en septembre, si les raisins sont pourris et maigrichons, quel vin feront-nous de cela ? Sur un étal des carottes biscornues sont charmantes et des pommes avec des points noirs peuvent convaicre l'amoureux de la nature, mais avec un vilain raisin, personne ne peut faire un bon vin. Je ne pensais pas trover meilleure illustration de ma théorie et je regrette même de n'avoir pas réagi plus tôt. 2009, 2010 et 2011 furent des années bio, 2012 sera chimique ou ne sera pas.

0 commentaires

ma vision du bio : le chimique doit être l'exception

Nous sommes en pleine saison de traitement. Bio ou pas, il faut mettre sa combinaison et son masque parce que le cuivre et le souffre sont des produits irritants et qu'il ne vaut mieux pas respirer à plein poumon. Cependant les produits de synthèse ou "chimiques" sont encore pire pour la santé. Mais parfois un tratement chimique dans la saison peut éviter beaucoup de traitements dits  "bio" ou le cuivre doit être passé et repassé à cause de multiples lessivages par la pluie. 

Alors, je trouve que ces labels bio si ils ont eu le mérite de montrer la voie vers plus de raison et de durabilité, ne doivent pas être des monstres administratifs et procéduriers ou toute liberté de décision hors cuivre est interdite. Un traitement non bio remet le label en jeu, alors je dis que cela n'est pas pour moi.

Pas de label, mais un credo "le chimique doit être l'exception" comme les antibiotiques qui ne sont pas automatiques mais parfois indispensables pour être en bonne santé et au final ce que veut un vigneron c'est un raisin sain.

 

0 commentaires

flux tendu et fleur en mai

Alors que tout marche à flux tendu dans notre société, personne ne souhaitant stocker et cherchant à faire stocker son fournisseur, le vigneron presque en bout de chaîne stocke son vin. Malgré tout libre de produire, de planter ou d'arracher, il doit sentir le marché avec 30 ans d'avance, prévoir les modifications climatiques avec la même anticipation et prendre des décisions de devin qui le conduisent à assumer par la suite quoiqu'il arrive des choix pris avec surtout une bonne dose d'intuition.

Chaque millésime pendant ce temps impose sa loi et aprés un mois d'avril pour rien, le mois de mai a fini par faire arriver la fleur, du moins ses prémices, par une accéleration quasi exponentielle de la pousse quotidienne et un métabolisme tournant à plein régime.

En conséquence, le vigneron devin et pifométrique épampre, dédouble, griffe, lève et pense tout en même temps.

0 commentaires

Avril pour rien

A vrai dire, le mois d'avril apporta de la pluie et du temps pour préparer le vrai début du cycle végétatif. L'évolution entre le début la fin du mois est presque imperceptible. En mai avec une élévation sensible des températures et un peu plus d'ensoleillement le réveil semble brutal. 

La question se pose et nous en aurons la confirmation avec la date de la fleur : Faut-il mesurer le cycle de ce millésime à partir de la sortie des bourgeons ou bien à partir du début de la croissance. De cette réponse dépend la prévision de la date des vendanges, la perspective d'un millésime classique ou bien très dépendant de l'arrière saison et donc potentiellement bien fait ou ... dilué.

 

Un autre facteur aux antipodes de l'année dernière influe sur la vie des sols : l'herbe, qui pousse partout ou l'eau peut s'accumuler et qui semble nécessaire pour porter les tracteurs. Un pilotage très fins des travaux du sol semble approprié et le travail d'un rang sur deux la solution provisoire pour garantir une entrée permanente dans les vignes. 

 

Chaque millésime détient sa vérité et chaque année il faut parier sur le climat à venir. Pour l'instant, le vigneron se prépare à un moment très intense car le réveil des vignes est proche avec des sols humides et des températures de 30 ° annonçées.

Croissance, maladies, travaux en vert, traitements, travail du sol. 

 

Tout devra être fait concomitamment

0 commentaires

Risque de grêle, la triste routine

masse nuageuse en rotation aprés la grêle
masse nuageuse en rotation aprés la grêle

Vendredi dernier a eu lieu la première alerte grêle, avec son ciel noir venant du sud-ouest, l'origine principale du fléau. Vers 18h30, alors que je taillais le dernier rang de la saison, une masse pas trop compacte et pas trop puissante de petits grêlons d'un demi-centimètre de diamètre a piqué le sol durant quelques minutes.

A chaque fois, je suis un peu choqué, anesthésié par l'ampleur du phénomène et l'impuissance flagrante de ma condition me navre.

Mais cette fois-ci l'alerte fut gratuite puisque l'intensité était plutôt faible et les bourgeons à peine sortis.

Ceci dit les couloirs annoncent leur position et bien souvent ils ne varient pas trop au cours de l'année. mektoub ou pas mektoub ?

 

grêlons cachés sous les herbes
grêlons cachés sous les herbes
0 commentaires

lombric

Avant de partir faire goûter les Graves à l'Europe puisque je vais au Luxembourg et qu'on y entend toutes les langues, même parfois le Luxembourgeois (d'ailleurs Landiras est ville jumelée avec Dippach, Luxembourg),  je laisse une observation consécutive à la lecture d'un blog de la Savoie. Une propriété là-bas y prône avec moult arguments le non labour.

Et un argument avancé pour y défendre cete option est l'activation biologique des sols dont la présence de lombric en est un témoin et un des acteurs les plus visibles. Je suis donc allé constater avec une cuillère (un type de tarrière) si les lombric arrivaient à se frayer un chemin entre les cailloux. Il est vrai qu'aprés un passage de disques ou de griffres, on en n'aperçoit pas beaucoup au ras du sol. Dès qu'une vivace subsiste, hop un lombric est sous la touffe des racines et radicelles. Cet hiver les sols sont clairsemés de petites repousses de patûrin, de mouron et puis de chiendent qui semble ne jamais s'épuiser. Les lombrics sont en dessous. Mais si je pousse l'observation plus profondément, je me rends compte que les lombrics creusent aussi des galeries vers trente centimètres sous terre. Je suis donc rassuré et j'espère que le travail superficiel du sol qui me permet d'éviter un enherbement anarchique et trop concurrentiel pour la vigne (au printemps essentiellement) laisse les lombrics souterrains indifférents. En tout cas je suis rassuré, peut-être faudrait-il comptabiliser la masse à l'hectare mais leur présence régulière semble indiquer que les sols du château de Sauvage sont bien vivants.

0 commentaires

hiver ou pas hiver, la taille en question

Depuis les vendanges, non seulement il n'y a pas eu un jour de gel mais en plus les températures sont restées plus élevées qu'en période de ramassage un mois d'octobre "classique". La conséquence se voit dans les vignes, les plantations bourgeonnent aux extrémités, les rosiers continuent à fleurir, les bourgeons ont grossi comme en mars avant de débourrer. 

Le seul paramètre sur lequel nous puissions jouer est la date de la taille. La repousser permettra de retarder le départ des bourgeons de la base. Mais le décallage obtenu n'est guère supérieur à 10 ou 15 jours grand maximum avec la date naturelle provoquée par les températures. 

En conséquence, la peur s'installe dans les vigne bien au delà du mois d'avril, où le risque de gel nous tient en haleine. Désormais, c'est un départ prématuré de la végétation qui est à craindre.  

Décidément, il n'y a pas de routine dans ce métier

1 commentaires

Les IGNORANTS : A lire absolument

Un coup de coeur pour cette bande-dessinée qui sent le vrai et qui transcrit une réalité (parfois contestable techniquement) du monde très divers de la viticulture. L'immersion d'un auteur dans le monde viticole et la découverte croisée du monde de l'édition et  de la BD par un vigneron, nous apprend à découvrir des correspondances là où on ne les attend pas et donc à voir le monde du travail sans les cloisons habituelles des "métiers" .

L'attitude face à la création vécue en indépendant semble universelle et d'autres correspondances pourraient vraisemblablement être trouvées avec d'autres milieux.  

On y découvre la persévérance et la foi qu'il faut avoir dans son projet pour arriver à un résultat que les autres ne peuvent pas percevoir avant que le but soit atteint. Si la solidarité et le travail d'équipe sont des éléments des deux métiers présentés, il ressort de la lecture de l'ouvrage que le vin et la Bd sont avant tout dans la tête, comme une idée en devenir, soumise à diverses influences en cours de création mais toujours guidée par une volonté tenance de tracer son propre sillon. Le traitement graphique est sobre et les propros sont criant d'honnêteté. C'est pourquoi même si l'influence des constellations m'échappe personnellement et si je reste, comme Etienne Davaudeau lui même, sceptique sur l'effet de la corne de vache broyée pulvérisée à dose homéopathique sur le sol, on constate que la biodynamie habite ceux qui la pratique et que leur entêtement à aller au bout de leur philosophie est touchante.

0 commentaires

fermez le ban

Je vous montre des Sémillons du 25 aôut qui donnèrent le 23 septembre une superbe concentration puisqu'ils furent les derniers ramassés des blancs, mais en fait c'est à l'occasion de la fermeture du carnet de vendanges que je veux souligner la particularité du millésime 2011 et la photo est hors sujet. 

Ce sont les Cabernets-sauvignons qui furent la clé selon moi du millésime. Evidemment nous sommes dépendants des proportions de ce cépage dans nos vignobles (1/3 des rouges dans mon cas) mais les assemblages permettront de bâtir des vins charpentés en renforçant les cabernets habitueLlement sous représentés. Pourquoi donc ? Parce que nous ne faisons qu''une vendange par an et qu'il aura fallu huit ans pour planter de nouvelles parcelles qui rentrent maintenant en pleine production, pour trouver le bon itinéraire cultural aprés bien des tâtonnements et enfin pour avoir les conditions météo les plus favorables. D'où l'intêret d'avoir plusieurs cépages pour les marier différement selon leurs forces et leurs faiblesses. Les cabernets ont donc peu produit mais bien effeuillés et vendangés les 3 et 4 octobre, ils ont comblés mes envies de tanins. Que dire des Merlots ? Qu'il y en eu un peu de moyens et beaucoup de très corrects, qui même tous seuls dans une bouteille ne feraient pas honte à la propriété. Les degrés des merlots n'ont pas atteint les sommets de 2009 et 2010 mais pour la buvabilité, messieurs Bettane et Desseauve seront sûrement ravis. Et pour finir le petit dernier; le chouchou des vignerons, le cépage qu'ils cultivent dans un coin pour le cas où, pour trouver une petite différence... j ai nommé Petit-Verdot. 5ème année de plantation et première année rammassable en quantité et en qualité. Ils sont venus pimenter une cuve de merlot et rehausser couleur et degré. Voilà le tiercé gagnant de 2011 Cabernet-Sauvignon , Petit-Verdot et Merlot. Pour les blancs je mettrais les Sémillons devant les Sauvignons qui ont eu bien chaud mais on retiendra en liquoreux les étonnantes concentrations en sucre associées à de très faibles rendements.

 

J'en profite pour signaler les portes ouvertes des Graves les 15 et 16 octobre, c'est tout prés et on sera prêt.

0 commentaires

Point sur les vendanges

J'avais évoqué avant les vendanges la prise de photos de belles grappes botrytisées. Hélas le rythme légèrement soutenu ces derniers quinze jours ne m'ont pas laissé le loisir de les prendre. En revanche le jus des moelleux est dans les cuves mais liquoreux serait plus approprié car les taux de liqueur obtenus cette année sont hallucinant par rapport aux équilibres habituels. Evidemment il y avait du mauvais pourri à trier mais cela fut général dans la région, mais une fois tout cela laissé par terre dans les rangs, le moût en sortie de pressoir est sorti comme du sirop de sucre de raisin. Quel vin cela fera t'il ? A voir dans quelques mois mais logiquement il n y pas de raison de croire que cela sera détestable.

 Concernant les rouges, il y aura de superbes merlots et des merlots corrects, tout dépendant des secteurs vendangés et des dates choisies. L 'important du tri fut aussi prépondérante ainsi que  le choix des parcelles ou des morceaux de parcelles à assembler dans les cuves.  L'effeuillage et le contre effeuillage ont permis de pousser les maturités tout en maintenant les niveaux de pourriture à un niveau très supportable d'autant plus que les vendanges à la main permettent de sélectionner et la table de tri de faire le reste du choix. 2011 n'est pas une année pour les flémards, autre façon de dire que c'est une année de vigneron. Il y avait du potentiel mais il ne s'est pas offert tout seul.

Les cabernets arrivent maintenant à maturité et avec une très belle maturité, exempte de pourriture avec des pépins biens mûrs, croquants. J'attends que la belle semaine en cours finisse d'affiner les peaux et je pense que 2011 sera une vrai année à cabernet. Ont-ils plus profité du printemps que les merlots, parfois plus sensibles à l'échaudage ? La réponse est dans la question.

 

0 commentaires

Carnet de route devient carnet de vendanges

Aprés un arrêt rédactionnel ayant vraissemblablement correspondu à un arrêt de la lecture de mes très nombreux lecteurs (sic), j'ai la joie d'exhiber une photo prise aujourd'hui et montrant un pied de sémillon prêt à être vendangé mais qui ne le sera qu'à la condtion qu'il pourrisse noblement. Le spécimen que vous avez sous les yeux est un produit de la sélection clonale des années 1970, avec de gros grains très juteux mais très capricieux car les grappes sont parfois bien serrrées. Un autre jour je vous montrerai une grappe issue de la sélection des vignerons et dont les grappes sont bien plus modestes mais pourrissent parfaitement. En fait je montre ce pied car la parcelle dont il est issu m'a donné du fil à retordre toutes ces dernières années et quand elle prête et nettoyée de ses grappes déviantes, cela signifie que tout le reste de la propriété est prêt à délivrer son message et sa vérité.

Dans les jours qui suivront, j'essaierai de faire partager les petites peines et les péripéties qui peuvent accompagner cette période intense et fatiguante .... car les vendanges à la mains sont crevantes et longues mais j'y tiens.

0 commentaires

Contrastes climatiques

De la sécheresse aux abats d'eau.... A peine de retour d'Amboise, je m'attendais à trouver les grappes bien verées (de véraison, le changement de couleur des raisins, du vert au rouge ou au jaune). Entre-temps le climat s'était refroidi et les nuages avaient déversés quelques 40 mm soit la quantité totale reçue les quatre mois précédents ! 

Vraisemblablement les vendanges vont un peu s'éloigner, nous laissant un peu de repis cet été pour effeuiller et pourquoi pas nous reposer un peu, comme tout le monde. Quoique, des éleveurs de chêvres très sympathiques de Posse sur Cisse près d'Amboise m'ont fait comprendre que les vignerons avaient plus d'occasions de prendre des vacances que les éleveurs avec le rituel quotidien de la traite ou de la nourriture. Il est vrai que la vigne avec son cycle annuel nous laisse parfois, les années faciles, quelque répit.

0 commentaires

coup de chaud

vignoble le 24 juin
vignoble le 24 juin

Deux millésimes exceptionnels et simples à piloter ne peuvent pas être suivis par un troisième aussi facile.  Il était probable que 2011 donnerait des soucis, mais de quel ordre ? Trop de pluie, du froid ? Non, cette année est dure parce qu'il ne pleut vraiment pas et que des accés de chaleur ces deux derniers jours ont brûlés la vigne.  Quelques pieds jeunes et mal enracinés ont roussi sur place comme passés au grill. Il n'y a certes pas de catastrophe générale, les raisins ont globalement tenu, protégés par les feuilles, mais malheur à ceux qu'un trou exposait au soleil de 17h00 ! Ceux là sont brûlés comme si sur la plage, on reste toute la journée à bronzer sans se protéger. 

0 commentaires

pluie et horizons inversés

Enfin la pluie est tombée la semaine dernière mais pas suffisamment pour humecter le sol jusqu'au point où il est encore humide. En conséquence, en plantant une pelle j'ai pu constater qu'à 20 cm de profondeur, la terre mouillée était sur la terre sèche. Etonnant non comme aurait pu le dire monsieur Cyclopède.

0 commentaires

vigne et climat

La pluie ne vient pas. Etrange d'être aussi vite perturbé par ce qui d'habitude nous gêne, l'eau venue du ciel, apportant maladies et herbes folles. Cela n'affecte en rien les pucerons qui pullulent sur les quelques pieds de grande oseilles poussant çà et là dans les rangs. Les coccinelles n'ont jamais été aussi nombreuse. Ci-dessus, un peu floue, un spécimen protégeant un jeune plant; merci. Voyez comme le pied respire avec ces poches. Je pense également qu'il protégera les jeunes feuilles des coups de soleil. Je suis malgré tout stupéfait pas la poussée d'herbe fraîche dont les racines sont forcément en surface et qui arrivent à coloniser la terre. L'avantage du terroir de Manine en année sèche réside dans la bonne réserve en eau du sous-sol argilo-sableux. Dans un puit du hameau l'eau semble afleurer vers 4 ou 5 mètres, ce qui sûrement doit pouvoir remonter par capilarité. Mais les veines sont imprévisibles. Ainsi chez des voisins ayant foré un puit dans leur jardin, l'eau n'a jailli abondamment qu'à 70 mètres de profondeur et encore avec une bonne dose d'argile. Peut-être qu'un nouveau critère interviendra à l'avenir pour planter la vigne, non plus le drainage mais la possibilité d'irriguer ou à défaut la présence d'une nappe pas trop profonde. Etrange inversion qui reposerait sur un pari climatique.

0 commentaires

LA PLANTATION

0 commentaires

Ecologique et local

Les lapins aiments les jeunes pousses de vigne. cette année, il semble que la mixomatose ait décimé un bon nombre d'entres eux mais le doute subsiste et les plants supportent très mal d'être broutés au fur et à mesure de leur pousse. On peut perdre un à deux ans, voire perdre des pieds si on laisse faire. Beaucoup de vignerons mettent des poches ou pochons plastiques et j'en ai mis comme les autres jusqu'à présent. Mais sur le salon Vinitech j'ai trouvé un système en papier kraft, qui dure 18 mois, biodégradable sur place, fabriqué avec le pin des Landes (on aide à écouler les arbres de la tempête au passage) et joli .

Sur la photo le plant déploie ses premières feuilles, c'est émouvant et ce sont mes petits greffons (cf l'article sur la sélection massale).

L'herbe arrive encore à pousser, c'est invraissemblable avec cette sécheresse.

0 commentaires

Epamprage

Pour expliquer ce qu'est l'épamprage, mieux vaut montrer que décrire. Si je parle de gourmants, d'américains, de pampres, de dédoublage, de supression des bourillons, des échards, des filleuls, des entre-coeurs, personne n'y entendra rien. Et pour cause, ce language technique plait aux techniciens comme les pédagogues qui se complaisent à parler de réferent mobile pour désigner un ballon ou pire encore les journalistes sportifs qui abusent du terme réalisation pour exprimer l'arrivée d'un ballon (encore lui) au fond des filets.

Pour revenir à la vigne, au printemps tout pousse y compris des bourgeons cachés sous l'écorce. La taille a pour but de sélectionner sur le pied un certain type et un certain nombre de bourgeons. L'épamprage est l'art de confirmer les choix fait en hiver et de ne laisser au pied le choix que de s'exprimer que  de cette façon là. Sinon un pied de vigne se transforme en buisson puis au fil des années en liane.

0 commentaires

Pas de pluie mais des ampoules

Quand il ne pleut pas, les cailloux peu à peu surgissent de la terre, ils donnent faussement l'image d'une surface blanche et minérale; évidemment quand il s'agit de faire des trous à ce moment là dans le sol, il faut attaquer en premier ces amas de graviers collés par le sable et l'humus. J'en ai fait l'expérience pour cette plantation de merlots , 500 trous avec un engin ressemblant à un marteau piqueur à eau car j'ai préféré ne pas labourer pour ne pas déhydrater encore plus la terre. D'où cette petite ampoule dans la paume; je me console en pensant que ces pieds en sélection massale devraient tenir au moins 50 ans et que donc logiquement je n'aurai pas à y revenir une deuxième fois 

0 commentaires

Plantation

Une sélection massale au château de Sauvage. 480 pieds issus de 25 souches différentes vieilles de 40 ans. Pourquoi ne pas utiliser des bons vieux clones ? Mais j'en utilise, simplement j'ai constaté que la mortalité de mes vieilles vignes est bien plus faible que celle des jeunes ! Pourquoi alors ne pas se poser de questions. Qualitativement à condition de bien sélectionner ses greffons, une sélection massale apporte en plus une originalité à l'heure où se différencier semble être une condition de survie. 

La photo montre une autre plantation de cabernets (des clones ceux-là) plantés sur Riparia. 

 

0 commentaires

Vigne et canicules

Les étés chauds préparent de beaux millésimes, spécialement à Bordeaux où le climat océanique a jusqu’à récemment pu apporter trop d’eau en fin d’été. Il est pourtant difficile de se réjouir quand les températures pendant des cycles de presque une semaine parfois répétés à intervalle bi-mensuel dépassent les 35 degrés pour atteindre désormais sans surprise plus de 40. A ces niveaux de chaleur et de rayonnement, en dépit d’une disponibilité d’eau libre pour les plantes profondément enracinées et bien connectées aux réseaux fongiques sous-terrains, les cellules superficielles des feuilles et des fruits soufrent. Il peut en résulter brûlures, dessèchements et au mieux arrêt fonctionnel de la photosynthèse et donc de la progression harmonieuse du cycle végétatif annuel. 

La vigne, plante pérenne est malgré tout mieux adaptée que bien des cultures annuelles à ces amplitudes extrêmes. Elle préservera généralement sa capacité à renouveler une pousse l’année suivante avec des bourgeons fertiles. Néanmoins, on commence à observer que placée dans un environnement trop hostile plusieurs années consécutives comme cela fut le cas dans certains secteurs des Pyrénées orientales, les plants peinent à produire des fruits de taille convenable et assurent tout juste leur survie. De surcroît, l’environnement forestier également desséché devient sensible aux incendies et un cercle pernicieux se met en place où les feux détruisent ce qui contribuait peu ou prou à climatiser l’air ambiant et à faire tomber la pluie (cf l’homme qui plantait des arbres de Giono ) . La vigne ultime rempart de la propagation des flammes en subit toutefois les outrages et il devient difficile alors à l’homme de poursuivre la viticulture pour des raisons économiques (brûlures, goût de fumée) . 

Voilà que je décris peut-être de manière trop sombre ce qui n’est encore vécu que par une minorité de parcelles à l’échelle nationale. Je vais donc me limiter à rendre compte de l'évolution depuis 21 ans dans mon vignoble si petit désormais avec ses 6 hectares que j’en connais chacun des rangs et des infimes particularités. 

Dans les années 80-90 mon prédécesseur travaillait les sols de mars à octobre, il devait ouvrir l’espace central des fonds (espace entre deux rangs) à l’aide d’un coutre après les vendanges pour permettre à l’eau de s’évacuer et d’éviter ainsi des asphyxies et des pourrissements. Des veines d’argile grise par endroit maintenaient des excès d’eau à faible profondeur et cette pratique d’ouverture d’un sillon central avait fait ses preuves. En arrivant en 2004, n’ayant pas connu tout l’historique hivernal des décennies précédentes, je me suis abstenu de mettre en place cette pratique et je n’ai eu de soucis que rarement et uniquement les premières années. Il m’est arrivé de « planter «  le tracteur dans un rang sans doute par excès de travail du sol sur une terre saturée d’eau en surface.  L’évolution de mes pratiques limitant progressivement le travail du sol pour arriver à le supprimer totalement en 2019 ainsi que l’élévation des températures hivernales ont peu à peu rebattu les cartes. Les secteurs régulièrement inondés en bout de rang durant un ou deux mois l’hiver ne présentent plus que rarement quelques flaques tenaces. Cela témoigne à la fois de la nécessité de s’adapter à la nouvelle donne météorologique mais aussi du fait que le trop plein d’eau n’est plus un soucis. En laissant la terre couverte en permanence, il ne s’agit plus de chercher à évacuer l’eau au plus vite vers les fossés mais au contraire de chercher à infiltrer le plus d’eau possible dans le sous-sol via la porosité structurelle et via  les racines, les galeries de vers et de petites mammifères. En dépit de cela le régime des pluies tend à augmenter au printemps mais les températures élevées dès le mois de mai en restituent l’essentiel dans l’atmosphère générant au passage de terribles épidémies de mildiou. Cette nouvelle donne impose de nouvelles pratiques. Jusqu’à présent, il reste possible de cultiver la vigne en Gironde mais avec une irrégularité des rendements qui sur le temps long ne peuvent que baisser. L’évaporation accrue causée par l’élévation de la température annuelle conduit à limiter l’eau disponible. Les épisodes caniculaires aggravent ce phénomène mais ils ne sont que l’expression caricaturale d’une réalité désormais chronique. Les sols peu à peu s’assèchent plus profondément et plus précocement. 2024 fut dans ce cadre là une année atypique qui permettra sans doute à 2025 de tirer son épingle du jeu comme 2021 permit à 2022 de sortir un peu de jus de grappes rôties tout l’été avec plusieurs jours à 42 degrés. 

Ces millésimes chauds et peu productifs restent des bénédictions après des années de gels de printemps ou de ravages par le mildiou mais je ne peux pas ne pas envisager qu’à une année de chaleur extrême succède une autre tout aussi excessive et alors les réserves en eau ne suffiront peut-être plus pour remplir convenablement les raisins et les adaptations culturales n’y suffiront plus. 

L’agroforesterie par la présence d’arbres au plus près des vignes est censée apporter ombre et ressources hydriques aux parcelles mais mise en place trop tard les plants nécessitent de nombreux arrosages pour arriver à devenir autonomes. Le travail à accomplir est donc titanesque, il va demander persévérance et même obstination sans garantir in fine que cela suffise. 

Des articles scientifiques glosent sur la remontée de la culture de la vigne plus au nord, ce qui ne peut en effet qu’arriver. Il reste à prouver que la disparition de la vigne au sud n’est pas inéluctable et qu’une adaptation est encore possible. Les meilleures terres à vigne ne sont de toute façon bonnes que pour des cultures pérennes ; l’arbre peut sauver la vigne, encore faut-il vite trouver quels essences sont les mieux indiquées. Rien n’est encore compromis, on se plaît à y croire, la chance et les bons choix ne seront jamais en surnombre pour faire face au nouveau climat.



 

Vigne et canicules

Les étés chauds préparent de beaux millésimes, spécialement à Bordeaux où le climat océanique a jusqu’à récemment pu apporter trop d’eau en fin d’été. Il est pourtant difficile de se réjouir quand les températures pendant des cycles de presque une semaine parfois répétés à intervalle bi-mensuel dépassent les 35 degrés pour atteindre désormais sans surprise plus de 40. A ces niveaux de chaleur et de rayonnement, en dépit d’une disponibilité d’eau libre pour les plantes profondément enracinées et bien connectées aux réseaux fongiques sous-terrains, les cellules superficielles des feuilles et des fruits soufrent. Il peut en résulter brûlures, dessèchements et au mieux arrêt fonctionnel de la photosynthèse et donc de la progression harmonieuse du cycle végétatif annuel. 

La vigne, plante pérenne est malgré tout mieux adaptée que bien des cultures annuelles à ces amplitudes extrêmes. Elle préservera généralement sa capacité à renouveler une pousse l’année suivante avec des bourgeons fertiles. Néanmoins, on commence à observer que placée dans un environnement trop hostile plusieurs années consécutives comme cela fut le cas dans certains secteurs des Pyrénées orientales, les plants peinent à produire des fruits de taille convenable et assurent tout juste leur survie. De surcroît, l’environnement forestier également desséché devient sensible aux incendies et un cercle pernicieux se met en place où les feux détruisent ce qui contribuait peu ou prou à climatiser l’air ambiant et à faire tomber la pluie (cf l’homme qui plantait des arbres de Giono ) . La vigne ultime rempart de la propagation des flammes en subit toutefois les outrages et il devient difficile alors à l’homme de poursuivre la viticulture pour des raisons économiques (brûlures, goût de fumée) . 

Voilà que je décris peut-être de manière trop sombre ce qui n’est encore vécu que par une minorité de parcelles à l’échelle nationale. Je vais donc me limiter à rendre compte de l'évolution depuis 21 ans dans mon vignoble si petit désormais avec ses 6 hectares que j’en connais chacun des rangs et des infimes particularités. 

Dans les années 80-90 mon prédécesseur travaillait les sols de mars à octobre, il devait ouvrir l’espace central des fonds (espace entre deux rangs) à l’aide d’un coutre après les vendanges pour permettre à l’eau de s’évacuer et d’éviter ainsi des asphyxies et des pourrissements. Des veines d’argile grise par endroit maintenaient des excès d’eau à faible profondeur et cette pratique d’ouverture d’un sillon central avait fait ses preuves. En arrivant en 2004, n’ayant pas connu tout l’historique hivernal des décennies précédentes, je me suis abstenu de mettre en place cette pratique et je n’ai eu de soucis que rarement et uniquement les premières années. Il m’est arrivé de « planter «  le tracteur dans un rang sans doute par excès de travail du sol sur une terre saturée d’eau en surface.  L’évolution de mes pratiques limitant progressivement le travail du sol pour arriver à le supprimer totalement en 2019 ainsi que l’élévation des températures hivernales ont peu à peu rebattu les cartes. Les secteurs régulièrement inondés en bout de rang durant un ou deux mois l’hiver ne présentent plus que rarement quelques flaques tenaces. Cela témoigne à la fois de la nécessité de s’adapter à la nouvelle donne météorologique mais aussi du fait que le trop plein d’eau n’est plus un soucis. En laissant la terre couverte en permanence, il ne s’agit plus de chercher à évacuer l’eau au plus vite vers les fossés mais au contraire de chercher à infiltrer le plus d’eau possible dans le sous-sol via la porosité structurelle et via  les racines, les galeries de vers et de petites mammifères. En dépit de cela le régime des pluies tend à augmenter au printemps mais les températures élevées dès le mois de mai en restituent l’essentiel dans l’atmosphère générant au passage de terribles épidémies de mildiou. Cette nouvelle donne impose de nouvelles pratiques. Jusqu’à présent, il reste possible de cultiver la vigne en Gironde mais avec une irrégularité des rendements qui sur le temps long ne peuvent que baisser. L’évaporation accrue causée par l’élévation de la température annuelle conduit à limiter l’eau disponible. Les épisodes caniculaires aggravent ce phénomène mais ils ne sont que l’expression caricaturale d’une réalité désormais chronique. Les sols peu à peu s’assèchent plus profondément et plus précocement. 2024 fut dans ce cadre là une année atypique qui permettra sans doute à 2025 de tirer son épingle du jeu comme 2021 permit à 2022 de sortir un peu de jus de grappes rôties tout l’été avec plusieurs jours à 42 degrés. 

Ces millésimes chauds et peu productifs restent des bénédictions après des années de gels de printemps ou de ravages par le mildiou mais je ne peux pas ne pas envisager qu’à une année de chaleur extrême succède une autre tout aussi excessive et alors les réserves en eau ne suffiront peut-être plus pour remplir convenablement les raisins et les adaptations culturales n’y suffiront plus. 

L’agroforesterie par la présence d’arbres au plus près des vignes est censée apporter ombre et ressources hydriques aux parcelles mais mise en place trop tard les plants nécessitent de nombreux arrosages pour arriver à devenir autonomes. Le travail à accomplir est donc titanesque, il va demander persévérance et même obstination sans garantir in fine que cela suffise. 

Des articles scientifiques glosent sur la remontée de la culture de la vigne plus au nord, ce qui ne peut en effet qu’arriver. Il reste à prouver que la disparition de la vigne au sud n’est pas inéluctable et qu’une adaptation est encore possible. Les meilleures terres à vigne ne sont de toute façon bonnes que pour des cultures pérennes ; l’arbre peut sauver la vigne, encore faut-il vite trouver quels essences sont les mieux indiquées. Rien n’est encore compromis, on se plaît à y croire, la chance et les bons choix ne seront jamais en surnombre pour faire face au nouveau climat.



 

Vigne et canicules

Les étés chauds préparent de beaux millésimes, spécialement à Bordeaux où le climat océanique a jusqu’à récemment pu apporter trop d’eau en fin d’été. Il est pourtant difficile de se réjouir quand les températures pendant des cycles de presque une semaine parfois répétés à intervalle bi-mensuel dépassent les 35 degrés pour atteindre désormais sans surprise plus de 40. A ces niveaux de chaleur et de rayonnement, en dépit d’une disponibilité d’eau libre pour les plantes profondément enracinées et bien connectées aux réseaux fongiques sous-terrains, les cellules superficielles des feuilles et des fruits soufrent. Il peut en résulter brûlures, dessèchements et au mieux arrêt fonctionnel de la photosynthèse et donc de la progression harmonieuse du cycle végétatif annuel. 

La vigne, plante pérenne est malgré tout mieux adaptée que bien des cultures annuelles à ces amplitudes extrêmes. Elle préservera généralement sa capacité à renouveler une pousse l’année suivante avec des bourgeons fertiles. Néanmoins, on commence à observer que placée dans un environnement trop hostile plusieurs années consécutives comme cela fut le cas dans certains secteurs des Pyrénées orientales, les plants peinent à produire des fruits de taille convenable et assurent tout juste leur survie. De surcroît, l’environnement forestier également desséché devient sensible aux incendies et un cercle pernicieux se met en place où les feux détruisent ce qui contribuait peu ou prou à climatiser l’air ambiant et à faire tomber la pluie (cf l’homme qui plantait des arbres de Giono ) . La vigne ultime rempart de la propagation des flammes en subit toutefois les outrages et il devient difficile alors à l’homme de poursuivre la viticulture pour des raisons économiques (brûlures, goût de fumée) . 

Voilà que je décris peut-être de manière trop sombre ce qui n’est encore vécu que par une minorité de parcelles à l’échelle nationale. Je vais donc me limiter à rendre compte de l'évolution depuis 21 ans dans mon vignoble si petit désormais avec ses 6 hectares que j’en connais chacun des rangs et des infimes particularités. 

Dans les années 80-90 mon prédécesseur travaillait les sols de mars à octobre, il devait ouvrir l’espace central des fonds (espace entre deux rangs) à l’aide d’un coutre après les vendanges pour permettre à l’eau de s’évacuer et d’éviter ainsi des asphyxies et des pourrissements. Des veines d’argile grise par endroit maintenaient des excès d’eau à faible profondeur et cette pratique d’ouverture d’un sillon central avait fait ses preuves. En arrivant en 2004, n’ayant pas connu tout l’historique hivernal des décennies précédentes, je me suis abstenu de mettre en place cette pratique et je n’ai eu de soucis que rarement et uniquement les premières années. Il m’est arrivé de « planter «  le tracteur dans un rang sans doute par excès de travail du sol sur une terre saturée d’eau en surface.  L’évolution de mes pratiques limitant progressivement le travail du sol pour arriver à le supprimer totalement en 2019 ainsi que l’élévation des températures hivernales ont peu à peu rebattu les cartes. Les secteurs régulièrement inondés en bout de rang durant un ou deux mois l’hiver ne présentent plus que rarement quelques flaques tenaces. Cela témoigne à la fois de la nécessité de s’adapter à la nouvelle donne météorologique mais aussi du fait que le trop plein d’eau n’est plus un soucis. En laissant la terre couverte en permanence, il ne s’agit plus de chercher à évacuer l’eau au plus vite vers les fossés mais au contraire de chercher à infiltrer le plus d’eau possible dans le sous-sol via la porosité structurelle et via  les racines, les galeries de vers et de petites mammifères. En dépit de cela le régime des pluies tend à augmenter au printemps mais les températures élevées dès le mois de mai en restituent l’essentiel dans l’atmosphère générant au passage de terribles épidémies de mildiou. Cette nouvelle donne impose de nouvelles pratiques. Jusqu’à présent, il reste possible de cultiver la vigne en Gironde mais avec une irrégularité des rendements qui sur le temps long ne peuvent que baisser. L’évaporation accrue causée par l’élévation de la température annuelle conduit à limiter l’eau disponible. Les épisodes caniculaires aggravent ce phénomène mais ils ne sont que l’expression caricaturale d’une réalité désormais chronique. Les sols peu à peu s’assèchent plus profondément et plus précocement. 2024 fut dans ce cadre là une année atypique qui permettra sans doute à 2025 de tirer son épingle du jeu comme 2021 permit à 2022 de sortir un peu de jus de grappes rôties tout l’été avec plusieurs jours à 42 degrés. 

Ces millésimes chauds et peu productifs restent des bénédictions après des années de gels de printemps ou de ravages par le mildiou mais je ne peux pas ne pas envisager qu’à une année de chaleur extrême succède une autre tout aussi excessive et alors les réserves en eau ne suffiront peut-être plus pour remplir convenablement les raisins et les adaptations culturales n’y suffiront plus. 

L’agroforesterie par la présence d’arbres au plus près des vignes est censée apporter ombre et ressources hydriques aux parcelles mais mise en place trop tard les plants nécessitent de nombreux arrosages pour arriver à devenir autonomes. Le travail à accomplir est donc titanesque, il va demander persévérance et même obstination sans garantir in fine que cela suffise. 

Des articles scientifiques glosent sur la remontée de la culture de la vigne plus au nord, ce qui ne peut en effet qu’arriver. Il reste à prouver que la disparition de la vigne au sud n’est pas inéluctable et qu’une adaptation est encore possible. Les meilleures terres à vigne ne sont de toute façon bonnes que pour des cultures pérennes ; l’arbre peut sauver la vigne, encore faut-il vite trouver quels essences sont les mieux indiquées. Rien n’est encore compromis, on se plaît à y croire, la chance et les bons choix ne seront jamais en surnombre pour faire face au nouveau climat.



 

Vigne et canicules

Les étés chauds préparent de beaux millésimes, spécialement à Bordeaux où le climat océanique a jusqu’à récemment pu apporter trop d’eau en fin d’été. Il est pourtant difficile de se réjouir quand les températures pendant des cycles de presque une semaine parfois répétés à intervalle bi-mensuel dépassent les 35 degrés pour atteindre désormais sans surprise plus de 40. A ces niveaux de chaleur et de rayonnement, en dépit d’une disponibilité d’eau libre pour les plantes profondément enracinées et bien connectées aux réseaux fongiques sous-terrains, les cellules superficielles des feuilles et des fruits soufrent. Il peut en résulter brûlures, dessèchements et au mieux arrêt fonctionnel de la photosynthèse et donc de la progression harmonieuse du cycle végétatif annuel. 

La vigne, plante pérenne est malgré tout mieux adaptée que bien des cultures annuelles à ces amplitudes extrêmes. Elle préservera généralement sa capacité à renouveler une pousse l’année suivante avec des bourgeons fertiles. Néanmoins, on commence à observer que placée dans un environnement trop hostile plusieurs années consécutives comme cela fut le cas dans certains secteurs des Pyrénées orientales, les plants peinent à produire des fruits de taille convenable et assurent tout juste leur survie. De surcroît, l’environnement forestier également desséché devient sensible aux incendies et un cercle pernicieux se met en place où les feux détruisent ce qui contribuait peu ou prou à climatiser l’air ambiant et à faire tomber la pluie (cf l’homme qui plantait des arbres de Giono ) . La vigne ultime rempart de la propagation des flammes en subit toutefois les outrages et il devient difficile alors à l’homme de poursuivre la viticulture pour des raisons économiques (brûlures, goût de fumée) . 

Voilà que je décris peut-être de manière trop sombre ce qui n’est encore vécu que par une minorité de parcelles à l’échelle nationale. Je vais donc me limiter à rendre compte de l'évolution depuis 21 ans dans mon vignoble si petit désormais avec ses 6 hectares que j’en connais chacun des rangs et des infimes particularités. 

Dans les années 80-90 mon prédécesseur travaillait les sols de mars à octobre, il devait ouvrir l’espace central des fonds (espace entre deux rangs) à l’aide d’un coutre après les vendanges pour permettre à l’eau de s’évacuer et d’éviter ainsi des asphyxies et des pourrissements. Des veines d’argile grise par endroit maintenaient des excès d’eau à faible profondeur et cette pratique d’ouverture d’un sillon central avait fait ses preuves. En arrivant en 2004, n’ayant pas connu tout l’historique hivernal des décennies précédentes, je me suis abstenu de mettre en place cette pratique et je n’ai eu de soucis que rarement et uniquement les premières années. Il m’est arrivé de « planter «  le tracteur dans un rang sans doute par excès de travail du sol sur une terre saturée d’eau en surface.  L’évolution de mes pratiques limitant progressivement le travail du sol pour arriver à le supprimer totalement en 2019 ainsi que l’élévation des températures hivernales ont peu à peu rebattu les cartes. Les secteurs régulièrement inondés en bout de rang durant un ou deux mois l’hiver ne présentent plus que rarement quelques flaques tenaces. Cela témoigne à la fois de la nécessité de s’adapter à la nouvelle donne météorologique mais aussi du fait que le trop plein d’eau n’est plus un soucis. En laissant la terre couverte en permanence, il ne s’agit plus de chercher à évacuer l’eau au plus vite vers les fossés mais au contraire de chercher à infiltrer le plus d’eau possible dans le sous-sol via la porosité structurelle et via  les racines, les galeries de vers et de petites mammifères. En dépit de cela le régime des pluies tend à augmenter au printemps mais les températures élevées dès le mois de mai en restituent l’essentiel dans l’atmosphère générant au passage de terribles épidémies de mildiou. Cette nouvelle donne impose de nouvelles pratiques. Jusqu’à présent, il reste possible de cultiver la vigne en Gironde mais avec une irrégularité des rendements qui sur le temps long ne peuvent que baisser. L’évaporation accrue causée par l’élévation de la température annuelle conduit à limiter l’eau disponible. Les épisodes caniculaires aggravent ce phénomène mais ils ne sont que l’expression caricaturale d’une réalité désormais chronique. Les sols peu à peu s’assèchent plus profondément et plus précocement. 2024 fut dans ce cadre là une année atypique qui permettra sans doute à 2025 de tirer son épingle du jeu comme 2021 permit à 2022 de sortir un peu de jus de grappes rôties tout l’été avec plusieurs jours à 42 degrés. 

Ces millésimes chauds et peu productifs restent des bénédictions après des années de gels de printemps ou de ravages par le mildiou mais je ne peux pas ne pas envisager qu’à une année de chaleur extrême succède une autre tout aussi excessive et alors les réserves en eau ne suffiront peut-être plus pour remplir convenablement les raisins et les adaptations culturales n’y suffiront plus. 

L’agroforesterie par la présence d’arbres au plus près des vignes est censée apporter ombre et ressources hydriques aux parcelles mais mise en place trop tard les plants nécessitent de nombreux arrosages pour arriver à devenir autonomes. Le travail à accomplir est donc titanesque, il va demander persévérance et même obstination sans garantir in fine que cela suffise. 

Des articles scientifiques glosent sur la remontée de la culture de la vigne plus au nord, ce qui ne peut en effet qu’arriver. Il reste à prouver que la disparition de la vigne au sud n’est pas inéluctable et qu’une adaptation est encore possible. Les meilleures terres à vigne ne sont de toute façon bonnes que pour des cultures pérennes ; l’arbre peut sauver la vigne, encore faut-il vite trouver quels essences sont les mieux indiquées. Rien n’est encore compromis, on se plaît à y croire, la chance et les bons choix ne seront jamais en surnombre pour faire face au nouveau climat.